Encore aujourd’hui, certains pensent qu’on peut produire n’importe quelle pièce de théâtre ou comédie musicale amateure sans se soucier des droits d’auteurs. Et bien, sachez que c’est faux! Une production, qu’elle soit professionnelle avec un budget de 10 millions de dollars ou amateure avec un décor en papier mâché, se doit de payer des droits, ne serait-ce que par respect pour les auteurs qui ont consacré plusieurs années de leur vie à une œuvre.
Bien sûr, ce ne sont pas les auteurs qui gèrent eux-mêmes les permis pour produire leurs pièces. Vous voulez produire Tarzan The Musical? Vous n’appellerez pas Phil Collins directement : « Salut Phil! Combien tu me charges pour jouer Tarzan dans le sous-sol de mon église devant les retraités de mon village? ». Ce sont plutôt de grandes organisations comme MTI et R&H qui gèrent le tout. En plus de vous permettre de jouer votre production en toute légalité, ces entreprises vous fourniront les textes complets et bien sûr, les partitions! De plus, ils s’assurent qu’une même pièce ne joue pas dans la même région à des dates similaires. Souvent, ces entreprises offrent de belles solutions pour économiser sur vos coûts de production : trames sonores instrumentales complètes, trames sonores de répétition, graphisme pour vos affiches, etc.
Vous me dites : « Je n’ai pas de pitié pour les auteurs et j’vais trouver les partitions sur Internet »
Sachez que les conséquences vous coûteront pas mal plus cher que le prix pour acquérir le droit de jouer la pièce! Les grandes entreprises qui gèrent les droits d’auteur paient des gens à temps plein pour trouver les productions illégales afin de leur imposer des amendes très salées. Il y a trente ans, MTI qui est basé à New York n’avait aucune chance de trouver une production illégale de Cats dans le fin fond du Yukon pour lui imposer une amende! Aujourd’hui, à l’ère d’Internet, il est très facile pour eux de vous trouver. Si vous décidez de jouer une production illégalement, sachez que les entreprises qui gèrent les droits d’auteurs ne seront jamais bien loin et vous chanteront à l’oreille le refrain de ce classique du groupe The Police : « Every breath you take, every move you make, every bond you break, every step you take, I’ll be watching you ». Pis en passant, ma dernière phrase est doublement plus vraie si vous jouez illégalement la comédie musicale The Last Ship, écrite par Sting (ok, j’suis rendu un peu loin dans mes réflexions…).
« Mais comment m’en coûtera-t-il pour être légal et ne pas entendre Sting dans mes oreilles? »
Il faut savoir qu’une comédie musicale connue internationalement vous coûtera plus cher qu’une pièce de théâtre d’un auteur québécois. Habituellement, une comédie musicale regroupe davantage d’artisans (compositeur, parolier, auteur du livret, arrangeur, orchestrateur, etc.) qu’une pièce de théâtre (souvent un seul auteur), ce qui joue sur le prix. Ensuite, une série de facteurs entrent en ligne de compte : grandeur de la salle, nombre de représentations, localisation géographique, etc. Si je me fie aux productions auxquelles j’ai participé à travers les années, The Addams Family à 2 reprises dans une salle de 300 places avoisinait les 2 300$, alors que Cats à 2 reprises à la Salle Albert-Rousseau par des élèves du secondaire avait coûté 6 600$ (photo ci-dessous). Au niveau professionnel, quand j’étais régisseur pour la première mondiale francophone de Sweeney Todd au Capitole de Québec, les coûts pour 10 représentations dépassaient les 30 000$. Probablement que comme nous tous, artisans et acteurs de la production, MTI n’a pas été payé au complet, mais ça c’est une autre histoire…
« La pièce que je veux jouer ne semble pas être disponible »
Le plus souvent, si la production originale joue encore sur Broadway, les droits ne sont tout simplement pas disponibles. Il y a une espèce d’aura autour des productions nouvellement arrivées sur Broadway et les producteurs veulent offrir une certaine exclusivité aux gens qui se déplacent à New York. Il y a donc du positif lorsqu’une pièce termine sa série de représentations : les troupes scolaires et amateures aux quatre coins du monde pourront la jouer! Voici une petite liste de comédies musicales dont les droits d’auteurs ne sont pas disponibles :
- Wicked
- The Lion King (par contre, MTI offre une version courte pour enfants)
- The Book of Mormon
- Hamilton
C’est donc dire que si vous entendez parler d’une production amateure d’un de ces spectacles près de chez vous, vous saurez qu’ils sont illégaux… C’est le bon moment de leur faire jouer « Every Step You Take » de The Police! (Je pense que je vais trop loin avec ce gag…)
« Je suis prêt à acheter les droits d’auteur! »
Toutes mes félicitations! Vous devez maintenant trouver quelle entreprise gère les droits de ce spectacle. Par la suite, vous les contacterez pour faire la demande. Ils vous enverront une soumission que vous devrez payer avant le début des répétitions. Voici les entreprises principales qui gèrent les droits d’auteur :
« Et pour du théâtre québécois? »
La façon de faire est relativement semblable que pour une comédie musicale. La perception des droits d’auteurs de la majorité des œuvres théâtrales d’auteurs québécois est gérée par la Société québécoise des auteurs dramatatiques (SoQAD). Pour une production professionnelle, la SoQAD charge un pourcentage de la billetterie au théâtre qui produit la pièce. Un jeune auteur qui en est à ses débuts recevra entre 2 et 5% des recettes, alors qu’un auteur réputé recevra peut-être entre 15 et 20%. Pour une production amateure, la SoQAD charge plutôt un tarif fixe à la troupe, qui diffère selon le nombre de représentations, la grosseur de la salle, etc. Vous pouvez vous attendre à payer en bas de 200$.
En résumé
Payer les droits d’auteur devrait être la moindre des choses. Ce sont des coûts supplémentaires, c’est certain, mais il faut voir ces frais comme des dépenses de base, au même titre que votre salle, vos équipements techniques et vos costumes!
Votre production n’a pas les moyens d’acquérir les droits d’auteurs? Écrivez vous-même votre pièce! Par contre, après avoir mis des heures et des heures sur la création de votre propre spectacle, seriez-vous prêt à la donner à des centaines d’inconnus? Vous comprendrez peut-être l’importance des droits d’auteurs…
*Un gros merci à l’auteure Isabelle Hubert qui m’a renseigné sur la façon de faire pour une pièce de théâtre québécoise!