Rent Live : Du très bon et du très mauvais

Depuis 2013, le réseau NBC ramène une tradition américaine des années 60 où l’on présente des télédiffusions de comédies musicales populaires en direct. On n’installe pas de caméras dans un théâtre de Broadway pour simplement diffuser un spectacle. On recrée carrément une nouvelle production faite exclusivement pour la télévision.

Après avoir laissé NBC faire un boulot acceptable avec The Sound of Music (2013), Peter Pan (2014) et The Wiz (2015), le réseau FOX avait sauté dans l’arène en 2016 avec Grease Live, qui à mes yeux avait donné une leçon à NBC.

Avec Rent Live, FOX s’attaquait à un géant de la comédie musicale américaine, une œuvre culte et controversée de 1996 qui traite d’homosexualité, de drogue, de pauvreté et de sida. Un choix surprenant pour FOX, un réseau conservateur connu pour ses positions très à droite et pro Trump.

Dès l’ouverture de la télédiffusion, on nous a annoncé que Rent Live ne serait pas « live ». L’acteur qui joue Roger s’est fracturé le pied lors de la générale de la veille… Heureusement, cette dernière répétition avait été filmée devant public et c’est ce que FOX allait nous présenter. Au-delà de quelques pépins techniques qui s’expliquent par le fait que c’était une générale, je crois qu’il est possible d’émettre une critique sur la production au sens large. Après tout, FOX a jugé que la générale filmée valait mieux qu’une diffusion en direct avec un Roger en béquilles?! Personnellement, j’aurais préféré la seconde option. The show must go on!

Voici donc ma liste d’éléments positifs (les fleurs) et négatifs (le pot). On se lance?

Le pot :

  1. La première heure de la télédiffusion : l’absence de chimie entre les interprètes, le manque d’aplomb dans la chanson-titre et les problèmes vocaux de Mimi et Angel ont tous contribué au mauvais départ. Et que dire des étranges modifications de paroles? On nous promet une production qui rendra hommage à Jonathan Larson, compositeur de l’œuvre décédé il y a exactement 22 ans, mais on se permet de modifier ses textes… Bref, une première heure chaotique.
  2. Tout était trop propre : on parle ici d’une histoire qui se déroule dans les bas-fonds de New York des années 90. Roger ne peut pas avoir l’air d’un chanteur new-country qui sort d’un rendez-vous chez le coiffeur. C’est un ex-junkie qui n’a pas l’eau courante! Ça sentait trop le Purell tout ça!
  3. Une partie de la distribution : à mes yeux, Roger, Mark et Mimi n’étaient pas du tout à la hauteur. Les trois acteurs n’étaient tout simplement pas au niveau du reste de la distribution. Mimi se balançait entre deux émotions, Roger n’avait absolument rien d’un rocker et Mark avait l’air d’un enfant à travers la distribution composée d’adultes… Avait-il participé à un concours à son école secondaire qui lui donnait droit de jouer avec des adultes?

Les fleurs :

    1. La dernière heure de la télédiffusion : si la première heure a été difficile, la dernière heure est venue (presque) nous faire oublier ces faux pas. Le spectacle a finalement commencé à pendre son erre d’aller à partir de La Vie Bohème et on n’a plus jamais regardé en arrière (sauf pour «What You Own»,où l’absence de chimie entre Mark et Roger gâchait le numéro). L’équipe créative a complètement revu la façon d’interpréter « Seasons of Love » et à mes yeux, c’est le seul numéro de Rent Live qui surpasse le Rent original. Parlant de ça, la présence de la distribution originale lors de la finale était un très beau moment!
    2. La direction créative : Rent Live n’était pas une production télévisuelle comme les autres. Si NBC recréait des simili adaptations cinématographiques en direct, Fox avait innové en incluant du public dans certaines scènes de Grease Live. Avec Rent, ils ont tout simplement créé un événement-spectacle titanesque, sorte de production théâtrale sur les stéroïdes. Le metteur en scène original Michael Greif s’était réinventé avec la nouvelle production Off-Broadway de 2011 (que j’avais adorée!) et il répète cette autorévolution avec Rent Live. Et que dire de la scénographie? C’était grandiose, c’était recherché et c’était authentique, tout en donnant une nouvelle dimension à l’œuvre. La première étoile va définitivement au scénographe Jason Sherwood. Ce dernier a mis au point un gigantesque terrain de jeu scénique sur plusieurs paliers où les différents lieux cohabitent avec les estrades bondées de spectateurs. Rent est une œuvre culte et à travers les années, les différentes productions ont toujours laissé une grande place aux fans. L’absence totale du 4e mur entre les acteurs et les spectateurs (ni de 5e  6e et 7e mur, d’ailleurs) s’inscrit exactement dans cette éternelle volonté de ne faire qu’un avec les fans.
    3. L’autre partie de la distribution : Vanessa Hudgens avait surpris tout le monde avec sa superbe performance de Rizzo dans Grease Live et elle est revenue en force sous les traits de Maureen. Son casting avait surpris les gens puisqu’elle n’a rien d’une Idina Menzel, mais elle a donné un nouveau visage au rôle et c’était rafraîchissant. Si la première étoile va au scénographe, la seconde va sans aucun doute à Brandon Victor Dixon qui jouait Collins. Il y a une discipline et une solidité vocale qui vient avec une décennie d’expérience sur Broadway et c’est ce qu’il a démontré. Dixon surpassait le reste de la distribution, tant par sa voix que par son interprétation. Et que dire de son « I’ll Cover You Reprise » empreint de soul et d’émotions. Les acteurs qui campaient Joanne et Benny étaient eux aussi très bons, tout comme l’excellente Keala Settle, toujours aussi en voix, qui jouait une brochette de personnages.
    4. Des couples du même sexe se sont embrassés à heure de grande écoute : Ça semble anodin, mais Rent était un choix audacieux pour une télédiffusion en direct à la télévision nationale. Il n’y a absolument rien de choquant dans Rent, on s’entend. J’aimerais vraiment mieux ne pas avoir à soulever ce point, voulant dire que ce n’est pas un big deal. Mais… on parle ici des États-Unis, le pays qui a élu Trump. Et on parle de Fox, le réseau conservateur qui a probablement porté Trump au pouvoir. Et à heure de grande écoute, Angel et Collins, puis Joane et Maureen se sont embrassés en gros plan. Et c’était beau. Un petit french pour l’Homme, mais un grand french pour l’humanité!

Ça me réjouit de voir que des canaux majeurs comme NBC et FOX proposent de la comédie musicale à des heures de grande écoute. Mais, après sept diffusions en direct depuis 2013, une seule d’entre elles m’a réellement plus accroché (Grease, dont je ne suis pas particulièrement fan). Ces diffusions devraient permettre à de nouvelles personnes de découvrir le merveilleux monde de la comédie musicale. J’ai toujours dit qu’il y a des œuvres pour tous les goûts. Mais jusqu’à maintenant, ces télédiffusions nous ont soit remâché des pièces déjà connues et sans audace (The Sound of Music, Peter Pan, The Wiz), soit dilué dans le Purell des œuvres audacieuses et contemporaines (Rent, Jesus Christ Superstar). Ce n’est pas avec cette recette qu’on va rallier de nouveaux fans de comédies musicales! Pourquoi ne pas produire Rent tel qu’il est? Pourquoi essayer de rendre «propre» quelque chose qui ne l’est pas? On n’évacue pas de sang dans un film sur la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi évacuer le réalisme et la misère dans Rent?

Au final, je crois que cette diffusion avait du très bon et du très mauvais. Mais est-ce que le très bon rachetait le très mauvais? Je crois que oui. Rent Live est loin d’être parfait. Très loin. Mais j’ai passé un bon moment.

★★★/5

Rent : une œuvre historique?
Pour la première fois, j’ai l’impression qu’on nous présente Rent comme une œuvre historique. C’est un spectacle culte qui a marqué les esprits à sa sortie parce qu’elle traitait d’un sujet d’actualité dans les années 90 : la crise du sida. La production originale a tenu l’affiche sur Broadway pendant 12 ans. Lorsque le rideau est tombé en 2008, l’œuvre n’avait plus son côté contemporain et avant-gardiste des premiers jours. Même si le film de 2004 et la captation de 2008 sont intéressants, on ne ressent pas le côté « actuel » que la production originale pouvait avoir dans les années 90. Avec son esthétisme ancré dans son époque, j’avais souvent l’impression que Rent était une œuvre trop jeune pour être historique, mais trop vieille pour être actuelle. Selon moi, c’est l’une des raisons pourquoi le spectacle n’a pas connu de grands succès entre 2008 et aujourd’hui. Mais, avec sa diffusion d’hier sur les ondes de FOX, j’ai vraiment l’impression d’avoir vu passer Rent dans la catégorie des œuvres historiques. Le metteur en scène original Michael Greif a donné un second souffle à l’œuvre. On sent que pour la première fois, son équipe et lui ont voulu jeter un regard historique sur ce que raconte le spectacle. Si Rent Live ne passera pas à l’histoire pour la qualité de sa production, la télédiffusion d’hier aura au moins permis à l’opéra rock de Jonathan Larson de devenir une œuvre historique. À partir de maintenant, Rent peut être placée aux côtés de Les Misérables et Hamilton comme étant des œuvres contemporaines qui jettent un regard sur une époque du passé.

CRITIQUE : Hamilton sur Broadway

Si vous suivez mon blogue, c’est que vous êtes intéressé à la comédie musicale.
Si vous êtes intéressé à la comédie musicale, vous connaissez Hamilton.

Vous êtes l’exception qui confirme la règle? Bon, voici de quoi vous mettre en contexte : Hamilton est une comédie musicale parue en 2015 et créée par Lin-Manuel Miranda, le compositeur-parolier derrière In The Heights et le film Moana. L’œuvre raconte la vie d’Alexander Hamilton, un immigrant des Antilles qui a participé à la guerre d’indépendance américaine, pour ensuite devenir le bras droit de George Washington et créer le système économique américain tel qu’on le connaît aujourd’hui. Sur papier, ce n’est pas l’histoire la plus excitante, pas vrai? Là où Hamilton se démarque, c’est dans son traitement de la vie de celui qu’on retrouve sur le billet de 10$ américain. En effet, Miranda et son équipe ont décidé d’aborder l’histoire à la sauce hip hop.

Quand Hamilton parle, il rap. Quand la guerre fait rage à Yorktown, c’est en dansant sur des mouvements hip hop. Quand le héros de guerre Hercules Mulligan fait son apparition, c’est vêtu d’un habit d’époque, mais avec un du-rag sur la tête.

Pourquoi ces choix anachroniques? Parce que Miranda a tracé un parallèle clair et logique entre la vie d’Alexander Hamilton et celle des rappeurs américains : il est né dans un environnement pauvre et hostile, son ambition et sa plume l’ont sorti de la pauvreté, il était baveux et irrévérencieux, il a été pris dans le premier scandale sexuel américain et finalement, il est mort par balle dans un duel armé. Au-delà du politicien et du Père fondateur, il y a l’homme et son histoire extraordinaire qui s’est déroulée en marge de la naissance des États-Unis.

Ah, et si ce n’était pas encore assez, Miranda et son équipe ont décidé d’envoyer un puissant message en ne distribuant les rôles qu’à des interprètes de couleur. C’est donc dire que des figures emblématiques comme Washington, Madison, Jefferson, Lafayette et Burr sont interprétées par des Afro-Américains, des Latinos et des Asiatiques. Bref, l’Amérique d’aujourd’hui raconte l’Amérique d’hier!

Au-delà de son histoire, Hamilton est probablement la plus grande révolution de Broadway depuis A Chorus Line en 1975, alors que l’œuvre a remporté 11 Tony Awards, 7 Olivier Awards, 1 Grammy et le prestigieux Pulitzer Prize of Drama. Partout où Hamilton joue, des records de vente de billets sont battus et les critiques sont unanimement dithyrambiques. À peine trois ans après sa création, l’œuvre compte déjà cinq productions permanentes jouant en simultané en Amérique et en Europe, avec deux autres à Puerto Rico et Berlin qui devraient voir l’affiche en 2019. Du jamais vu!

Le vendredi 10 août dernier, j’ai donc eu la chance de m’asseoir au Richard Rodgers Theatre de New York et d’enfin assister à Hamilton, dont je suis les développements depuis qu’un jeune Lin-Manuel Miranda s’est présenté à une soirée de poésie à la Maison Blanche en 2009 pour interpréter un premier morceau de l’œuvre aux Obama et leurs invités.

Habituellement, dans mes critiques, j’analyse chaque aspect du spectacle, révélant nécessairement plusieurs informations sur la production. Pour Hamilton, je n’en ai pas envie. J’avais les attentes dans le plafond, je connaissais les chansons par cœur, j’avais vu toutes les vidéos inimaginables sur le sujet et malgré tout ça, le spectacle m’a jeté par terre. Lorsque vous verrez Hamilton (parce que vous devez voir Hamilton!), je veux que votre mâchoire se décroche et tombe au sol, comme la mienne que je peine à retrouver maintenant une semaine après avoir assisté au spectacle. Je veux que vous viviez le même choc que moi, et tout ça passe par le fait de se laisser surprendre par la mise en scène, les chorégraphies et les interprétations.

La seule chose que vous devez savoir, c’est que la comédie musicale Hamilton dépasse l’engouement titanesque qu’elle génère depuis sa première en 2015. Le hype est probablement le plus important de l’histoire de Broadway, et la production surpasse ce battage médiatique et cette popularité toujours grandissante qui va au-delà des limites du théâtre. Et je n’exagère pas.

Néanmoins, en l’absence d’une analyse formelle d’Hamilton, j’ai envie de vous parler de la distribution toutes étoiles qui donne vie à ce spectacle à raison de huit représentations par semaine au Richard Rodgers Theatre. Bien sûr, après trois années à l’affiche, il ne reste que les doublures Thayne Jasperson et Andrew Chappelle qui font encore partie de la distribution, couvrant à eux deux l’ensemble des rôles masculins.

Ryan Vasquez était la doublure qui campait le rôle-titre et a offert une performance sans faille. Il y a toujours une petite déception quand on reçoit son programme et qu’on y voit que l’interprète régulier n’est pas là et qu’une doublure le remplacera. Cette petite déception ne dure jamais longtemps, parce que nous sommes sur Broadway et qu’aucun producteur n’accepterait qu’une performance soit de moins bonne qualité en l’absence d’un acteur. Les doublures sont préparées et souvent, c’est une rare occasion pour eux de camper un rôle principal alors ils donnent tout. Et vendredi dernier, M. Vasquez a tout donné. Il a campé un Hamilton déterminé, charismatique et il avait l’air d’un poisson dans l’eau dans ce rôle immense qui ne quitte pratiquement jamais la scène. C’est le compositeur et parolier de l’œuvre, Lin-Manuel Miranda qui a créé le rôle d’Hamilton et c’est lui qui est l’image (et la voix) du personnage. En quelques secondes, Vasquez nous a complètement fait oublier Miranda, avec sa voix smooth et ses aptitudes de rap à la hauteur des attentes. Si Miranda se rapprochait en âge d’Hamilton à la fin de l’histoire (43 ans), Vasquez se rapproche en âge du Hamilton du début du spectacle (19 ans). Il est tout à fait crédible en fin de spectacle, mais on sent qu’il a une fougue et un aplomb quand il joue le jeune Hamilton. Dans la production originale, c’est le rôle d’Aaron Burr qui retenait l’attention et Leslie Odom, Jr avait battu Lin-Manuel Miranda pour le Tony du meilleur acteur principal. Dans la distribution actuelle, c’est Hamilton qui trône et personne ne lui arrive à la cheville. Daniel Breaker était touchant et extrêmement compétent dans le rôle de Burr, mais c’est Vasquez qui retenait vraiment l’attention. Son petit côté baveux qu’on ne décèle pas nécessairement sur la trame sonore prend tout son sens sur scène, ce qui nous fait comprendre davantage la dualité et la confrontation entre Hamilton et Burr. Dans des scènes plus émotives comme ”It’s Quiet Uptown”, Vasquez était extrêmement touchant, teintant sa voix de sanglots retenus, un accomplissement que peu de membres du public a réussi. Bref, si l’acteur régulier Michael Luwoye en venait à quitter le spectacle, les producteurs d’Hamilton n’auraient pas à chercher bien loin pour son remplacement. Ryan Vasquez est leur homme!

L’autre doublure principale de cette représentation était Jennie Harney, qui venait en renfort de Mandy Gonzalez dans le rôle d’Angeliga Schuyler. La jeune actrice était en mission pour nous faire oublier Renée Elise Goldsberry (distribution originale) et elle a vite réussi. Je ne sais pas si Harney joue souvent l’aînée des sœurs Schuyler, mais elle a tout donné avec sa puissante voix, modifiant certains passages pour aller chercher de nouveaux sommets. À l’instar de Vasquez, elle a surpris la foule en donnant une performance parfaite.

James Monroe Iglehart n’a pas besoin d’introduction sur la planète Broadway, ayant marqué les esprits dans Memphis, avant de remporter un Tony Award sous les traits du Génie dans Aladdin. Iglehart avait participé à de nombreux laboratoires et lectures d’Hamilton, mais n’avait pas pu faire partie de la distribution originale. Quand on avait annoncé qu’il allait reprendre le flambeau du rôle double de Lafayette et Jefferson, j’étais emballé et je me disais qu’il était le candidat tout indiqué pour succéder à Daveed Diggs, qui volait le show soir après soir. Dans le premier acte, Iglehart était un peu décevant en Marquis de Lafayette. Dans le deuxième acte, c’était une tout autre histoire, alors qu’il était magistral dans le rôle de Thomas Jefferson. Là où Daveed Diggs rappait à une vitesse folle sous les traits de Lafayette, Iglehart ne peut suivre… Par contre, là où Diggs sonnait comme rappeur qui s’en tire bien en chant sous les traits de Jefferson, Iglehart amène un soul dans ses performances vocales qui vient ajouter beaucoup aux chansons jazz du 3e Président des États-Unis. Au-delà de ses performances vocales, ce dernier était très juste dans son jeu, à la fois charismatique et haïssable.

Lexi Lawson campe Eliza Schuyler, la femme d’Hamilton, avec justesse, fragilité et émotions. Elle semblait ménager sa voix, ce qui ajoutait de l’émotion aux passages doux, mais qui manquait d’aplomb dans les moments où elle tient tête à Hamilton. Dans ces scènes, nous sommes supposés ressentir la force de cette femme dont l’impact historique est indéniable.

Bryan Terrell Clark est un George Washington imposant et juste, mais qui lui aussi semblait ménager sa voix. J’ai adoré son jeu d’acteur, mais je ne pouvais m’empêcher de comparer sa voix à celle de Christopher Jackson, l’acteur original, au grand dam de Clark… Ce dernier est un baryton dont la voix puissante fait trembler les murs dans les passages graves de la partition. Par contre, Washington est un rôle ténor aux sonorités soul et c’est dans les nombreux passages aigus que Clark n’était pas à l’aise.

Anthony Lee Medina est déterminé dans le rôle du révolutionnaire John Laurens, puis touchant au moment de camper Philip Hamilton. Wallace Smith, pour sa part, est probablement celui qui est le plus méconnaissable d’un acte à l’autre, alors qu’il joue un Hercules Mulligan baveux et bruyant, puis un James Madison introverti et fragile.

Neil Haskell m’a laissé de glace lors de sa première apparition sous les traits de King George III, mais m’a vite fait oublié ce premier faux pas lors de ses deux autres hilarantes apparitions. Le monarque britannique est sur scène pendant environ huit minutes, mais marque les esprits par son humour indéniable. Pour vous faire comprendre à quel point le rôle est hilarant, Michael Jibson a remporté le prestigieux Olivier Awards du meilleur acteur de soutien pour ses huit minutes sur scènes, devant ses compatriotes Jason Pennycooke (Lafayette/Jefferson) et Cleve September (Laurens/Philip Hamilton), qui doivent chacun passer au moins 120 minutes sur scène. C’est peu dire!

L’ensemble, pour sa part, est omniprésent et tout simplement parfait. À eux 10, ils donnent vie à une vingtaine de personnages et d’accessoires (une balle de fusil, notamment). J’ai particulièrement apprécié le fait que chacun d’un d’eux ait son petit moment de gloire dans le spectacle, que ce soit en jouant un personnage historique, en chantant un court solo ou en nous en mettant plein la vue en danse.

Quand un spectacle a du succès (et Dieu sait qu’Hamilton en a), le défi est de trouver des interprètes talentueux qui amèneront les rôles ailleurs et qui ultimement, feront oublier la distribution originale. Certaines productions misent sur des gros noms pour faire vendre des billets. C’est le cas présentement de Waitress et de Kinky Boots qui peinent à remplir leur salle lorsqu’il n’y a pas de vedette d’American Idol dans leurs rangs. Pour une production comme Hamilton, ce n’est pas une question d’argent. Le show ferait salle comble même si c’était moi qui jouait Eliza Schuyler… Par contre, le directeur de casting veut s’assurer d’avoir des interprètes qui seront à la hauteur de l’engouement de la production. Les gens achètes leur billet pour Hamilton 12 à 18 mois d’avance et certains paient jusqu’à 5 000$ pour leur siège. La trame sonore a été écoulée à plus de 3 millions d’exemplaires et les interprètes de la distribution originale sont devenus des vedettes du jour au lendemain. Quand les gens s’assoient dans le Richard Rodgers Theatre, ils s’attendent à rien de moins que d’entendre Lin-Manuel Miranda, Lesli Odom, Jr, Philippa Soo et tous les autres. Il faut donc surprendre le public et leur faire oublier les acteurs originaux. Avec la distribution new-yorkaise actuelle, je crois que le directeur de casting peut dire mission accomplie. Ce n’est pas parfait, mais c’est très très bien!

J’ai promis de ne pas analyser Hamilton afin de vous garder le plus de surprises possible. Je vais respecter cette difficile décision, mais je vais simplement lever mon chapeau virtuel à Thomas Kail, l’excellent metteur en scène de l’œuvre. L’auteur-compositeur Lin-Manuel Miranda reçoit énormément de crédit pour Hamilton (et avec raison), mais Kail a fait un boulot exceptionnel. Miranda a révolutionné Broadway avec ce qu’il a fait sur papier, mais c’est Kail qui avait la tâche de matérialiser cette œuvre titanesque sur scène et on peut dire mission accomplie. La chanson ”Satisfied” et le duel final entre Hamilton et Burr sont probablement les deux raisons principales qui ont forcé le jury des Tony Awards à lui remettre la statuette de la meilleure mise en scène. Avec mon humble expérience de metteur en scène, j’essaie de m’imaginer comment ces scènes ont été créées et je saigne un peu du nez… De véritables casse-têtes dont le résultat est tout simplement magistral.

Hamilton est une œuvre qui marque déjà l’histoire, mais son impact va au-delà du domaine théâtral. Avant le spectacle, j’étais aux toilettes et j’entendais un garçon d’environ 10 ans dire à son père à quel point il avait hâte d’entendre Lafayette rapper dans la chanson ”The Battle of Yorktown”. Sans Hamilton, est-ce que cet enfant du primaire aurait un quelconque intérêt pour la bataille de Yorktown, pourtant déterminante dans l’histoire de l’indépendance américaine? Saurait-il qui est le Marquis de Lafayette et quelle a été son importance dans la guerre d’indépendance?

Hamilton est un cours d’histoire à vitesse grand V qui nous divertit, nous touche, nous charme, nous impressionne et nous marque, tout ça dans le désordre et souvent dans un très court laps de temps. L’impact d’Hamilton dans l’histoire du théâtre est déjà immense, à l’instar de l’homme qu’était Alexander Hamilton. Ce Père fondateur autrefois oublié a eu un impact immense sur les États-Unis d’aujourd’hui et maintenant, grâce à une œuvre théâtrale, son histoire continuera de se propager pour les décennies à venir au Richard Rodgers Theatre de Broadway.

 

★★★★★/5

CRITIQUE : Moulin Rouge! à Boston

Je n’ai pas aimé le film Moulin Rouge.
Je ne suis pas un fan de musique pop.
Je déteste quand une comédie musicale abuse de clichés.
Je trouve que les jukebox musicals manquent toujours de profondeur dramatique.

L’adaptation théâtrale de Moulin Rouge! est un flamboyant mélange de tout ça, et malgré mes réticences, je dois l’avouer : le 28 juillet 2018, j’ai passé l’un des meilleurs moments de ma vie au théâtre.

Cette extravagante production tient l’affiche du Colonial Theatre de Boston, une salle renommée pour préparer de nouvelles œuvres en vue de Broadway. Oklahoma! y a fait ses débuts sous le nom Away We Go en 1943, tout comme les œuvres classiques Anything Goes (1934), Porgy and Bess (1935), Carousel (1945), Follies (1971), A Little Night Music (1973) et La Cage Aux Folles (1983). Véritable incubateur à succès, le Colonial pourra bientôt ajouter Moulin Rouge! à sa liste de succès de Broadway ayant fait leurs premiers pas en ses murs.

L’adaptation du film de 2001 réalisé par Baz Luhrmann est signée par l’auteur John Logan et le metteur en scène Alex Timbers. S’ils ont réinventé l’œuvre pour la porter sur scène, ceux-ci ont tout de même conservé les trois paramètres principaux du film : une histoire comédico-tragique inspirée du célèbre Moulin Rouge à Paris, une signature visuelle flamboyante et l’utilisation de succès musicaux pop contemporains. Par contre, plutôt que de simplement transposer le film à la scène, comme un trop grand nombre de comédies musicales récentes, Logan et Timbers ont créé une œuvre à part entière qui vit d’elle-même et qui saura plaire aux amateurs du film, tout comme à ceux comme moi qui n’avaient pas particulièrement apprécié. Là est la différence entre transposer et adapter à la scène. Ce n’est pas parce qu’une histoire et une signature visuelle fonctionnent à l’écran qu’elle vivra bien sur scène! Si des transpositions comme Leap of Faith, Anastasia ou Mean Girls n’ont pas remporté de Tony Awards, des adaptations créativement fortes comme The Lion King, Billy Elliot et Once en ont remporté un total de 24. À mes yeux, Moulin Rouge! se range définitivement dans cette deuxième catégorie.

Je parlais plus tôt de jukebox musicals… Ce terme ne vous dit rien? On définit ces types de comédies musicales par le fait qu’ils utilisent des chansons populaires déjà existantes pour raconter une histoire fictive. Attention, je ne parle pas ici d’œuvres biographiques, comme Beautiful qui utilise le catalogue musical de Carole King parce que l’histoire raconte la vraie vie de Carole King. L’exemple que tout le monde connaît est Mamma Mia!, qui emprunte la musique d’Abba pour raconter une histoire fictive qui n’a aucun lien avec le célèbre groupe suédois. Dans les deux dernières décennies, un grand nombre d’œuvres du genre a vu le jour et malgré plusieurs succès commerciaux, la critique et les prix n’ont jamais été au rendez-vous. La raison est assez simple : les jukebox musicals sont habituellement pauvres dramatiquement parlant. Cela s’explique parce que le choix d’un catalogue musical précis restreint les choix dramaturgiques.

Dans la création d’une nouvelle comédie musicale, si on a besoin d’un morceau
musical pour que le protagoniste raconte son enfance difficile, on composera
une chanson. Dans un jukebox musical, on doit piger dans le catalogue de
l’artiste pour trouver un morceau qui colle le mieux possible à la
situation dramatique…

Dans la création d’une comédie musicale originale, si en cours de route une
chanson n’a plus de place dans l’histoire, on la coupe. Dans un jukebox musical,
on n’a pas cette liberté parce qu’on doit impérativement utiliser les succès que
le public est venu entendre. Imaginez si « Dancing Queen » n’était pas dans
Mamma Mia!, ou si « Somebody to Love » n’était pas dans We Will Rock You,
qui utilisait le catalogue de Queen.

Moulin Rouge! réinvente complètement le jukebox musical. En utilisant la technique du film qui est de piger dans le catalogue complet de l’histoire de la musique (et de n’utiliser que des parties de chansons), la musique est aussi dramatiquement cohérente que si l’on avait composé des chansons pour l’œuvre.

Avec la nouvelle comédie musicale, vous entendrez certains morceaux du film, mais vous découvrirez surtout des medleys et des mash-ups plus éclectiques et intelligents que jamais! Il n’y a que dans Moulin Rouge! qu’on peut entendre se succéder des pièces de Rick Astley, Paula Cole, La Mélodie du Bonheur, The Police, Lorde et Fun dans une même scène, le tout dans la plus cohérente et naturelle des façons. J’en profite pour souligner un magnifique passage dans la première partie où le personnage de Toulouse-Lautrec enchaîne quatre morceaux d’Édith Piaf, pour lesquels de nouvelles paroles anglophones ont été écrites. Toujours pas convaincu? Et si je vous disais que vous entendrez des extraits de Katy Perry, The Rolling Stones, Outkast, Beyoncé, Walk the Moon, Rihanna, Britney Spears et The White Stripes ? Bien sûr, pour les fans du film, vous retrouverez les classiques « Lady Marmalade », « Come What May » et « Elephant Love Medley », ce dernier ayant été complètement réinventé avec une dizaine d’extraits supplémentaires.

Il est possible de trouver la liste complète des chansons de l’œuvre sur Internet, mais comme pour le film en 2001, je vous recommande de ne pas la consulter. Comme lors de la première écoute du film, laissez-vous surprendre! Il n’y a rien comme entendre une chanson de Sia faire complètement du sens dans a bouche d’un personnage historique de 1900 comme Henri Toulouse-Lautrec. À plusieurs moments dans le spectacle, la foule réagit pour la simple et bonne raison qu’elle est agréablement surprise d’entendre telle ou telle chanson se glisser dans la trame sonore. J’ai bien aimé qu’aucune liste des pièces musicales ne soit intégrée dans le programme, comme c’est habituellement le cas pour les comédies musicales.

Au-delà de la trame sonore, l’histoire générale du film fonctionne très bien sur scène. Il faut l’avouer, celle-ci avance extrêmement lentement. Les numéros impressionnants nous coupent le soufflent, mais au-delà de tout ça, l’histoire progresse à pas de tortue. Une simple scène qui durerait habituellement trois minutes au théâtre en prend quinze, puisqu’on ensorcelle le public avec des chorégraphies acrobatiques et des succès accrocheurs. Par contre, j’ai de la difficulté à dire que cette lenteur est un défaut de l’œuvre, puisqu’il n’y a pas de longueurs. Dans les 170 minutes que durent Moulin Rouge!, l’idée de regarder ma montre ne m’est jamais passée par la tête. Puisque l’histoire se développe lentement, on peut pleinement profiter des impressionnants numéros, sans avoir l’impression de perdre le fil de l’histoire. Par contre, sachez que si une œuvre comme Hamilton avait été racontée au même rythme dramaturgique que Moulin Rouge!, la comédie musicale aurait probablement duré plus de 10 heures…

La mise en scène d’Alex Timbers est extrêmement efficace, alors que celui-ci met tous les éléments en place afin que le travail de ses collaborateurs (chorégraphe, scénographe et concepteurs d’éclairages) brillent de mille feux. Moulin Rouge! baigne dans l’extravagance, le cucu et le kitsch. Tout est assumé à 100%. On ne se prend pas pour autre chose que ce que l’on est : une comédie musicale colorée qui porte sur l’un des bars les plus spectaculaires du monde. En fait, je crois même que Timbers a voulu créer un spectacle qui pourrait très bien figurer à la programmation du vrai Moulin Rouge, où les spectacles de burlesque sont la tradition. Celui qui est connu pour créer des œuvres riches, dramatiques et intellectuelles a approché l’œuvre en faisant un 180 degrés avec ce qu’on connaît de lui, amenant tout de même son œil artistique aiguisé pour créer un spectacle cohérent. Le metteur en scène a sauté à pieds joints dans l’univers créé par Baz Luhrmann et le résultat est époustouflant. Le seul et unique objectif est de divertir, et ça fonctionne! La deuxième partie est dramatique par moment, mais on ne passe pas 60 minutes à tourner le fer dans la plaie. On entrecoupe les scènes dramatiques par des numéros dynamiques qui empêchent l’œuvre de subir le sort d’une grande majorité de comédies musicales : un deuxième acte faible.

Parlant du deuxième acte, j’ai beaucoup apprécié la façon de terminer le spectacle. Si vous ne voulez rien savoir, passez au paragraphe suivant! Comme on le sait, l’histoire se termine mal. L’équipe de création avait deux options : terminer cet extravagant spectacle sur une scène triste et silencieuse, ou créer un faux happy ending et ramener l’ensemble pour chanter une chanson entraînante malgré la morosité de la fin (une tactique malheureusement prise dans plusieurs comédies musicales). L’équipe a choisi une troisième option : laisser l’histoire se terminer comme il se le doit, fermer les lumières, laisser le public pleurer dans le silence du théâtre l’instant de quelques secondes, puis ramener l’énergie du Moulin Rouge pour un dernier numéro à la hauteur du reste du spectacle. La coupure est marquée, si bien qu’on ne se demande pas pourquoi l’antagoniste (The Duke) danse aux côtés du reste de la distribution. Ce n’est plus les personnages qui sont sur scène, mais les acteurs et actrices eux-mêmes, qui remercient le public de s’être déplacé en leur donnant un dernier effort. Encore une fois, on perçoit le génie de Timbers derrière l’extravagance de l’œuvre.

Le metteur en scène et son équipe ont réuni une distribution toutes étoiles qui fait rougir certaines productions qui tiennent présentement l’affiche sur Broadway. Aux devants, l’excellente Karen Olivo, que l’on a notamment vu dans In The Heights, West Side Story (Tony de la meilleure actrice de soutien) et Hamilton, joue une Satine crédible, réfléchie et sensuelle. Sa puissante voix donne un aplomb au personnage, ce qui manquait un peu à Nicole Kidman dans le film. À ses côtés, Aaron Tveit n’est pas en reste alors qu’il campe avec force le réel protagoniste de cette histoire, Christian. Côté voix, quiconque connaît un peu l’univers de la comédie musicale sait que Tveit a l’une des meilleures de l’industrie, preuves à l’appui dans Next to Normal, Catch Me If You Can et le film Les Misérables. L’acteur au registre vocal interminable passe le plus clair du spectacle à chanter des hymnes connus et nous fait oublier qui était l’interprète original. Dans « Roxanne » de The Police, Tveit amène sa voix à un niveau que l’on n’avait jamais entendu, alors qu’il frôle les limites de son registre vocal et donne une performance tout en puissance. De la voix, on a toujours su qu’il en avait. Par contre, c’est dans son interprétation que Tveit m’a impressionné. Il joue un Christian posé, nuancé et intelligent, ajoutant une deuxième et une troisième couche à un personnage un peu trop « jeune premier » dans le film, sous les traits d’Ewan McGregor.

Derrière Olivo et Tveit se trouvent des personnages secondaires forts interprétés par Danny Burnstein (Harold Zidler), Sahr Ngaujah (Toulouse-Lautrec), Ricky Rojas (Santiago) et Tam Mutu (The Duke). Ce quatuor d’interprètes amène un vent d’expérience dans cette distribution alors qu’ils sont tous des vétérans des planches qui ont tenu des rôles principaux sur les plus grandes scènes du monde. Burnstein, qui a été nominé à six reprises aux Tony Awards, est mon coup de cœur de la distribution, alors qu’il marque les esprits à chacune de ses apparitions, servant tantôt de narrateur, tantôt de comic relief et tantôt de confident pour Satine. Les 25 chanteurs-danseurs de l’ensemble viennent supporter la distribution principale en jouant une pléiade de personnages omniprésents qui s’animent et amènent un dynamisme nécessaire au spectacle, à grands coups de chorégraphies athlétiques et acrobatiques.

Avant même que le spectacle commence, c’est le décor qui coupe le souffle du public à son entrée dans la salle. Le Moulin Rouge est un monstre sacré du divertissement et la scène du Colonial Theatre à elle seule ne pouvait pas le contenir, si bien que les éléments scéniques débordent et prennent vie un peu partout dans la salle. J’adore quand les créateurs ne se contentent pas de créer l’univers du spectacle sur scène, mais plutôt partout dans le théâtre. Ça aide nécessairement le public à s’immerger dans l’œuvre. La scénographie de Derek McLane est aussi imposante que magnifique. Plutôt que d’abuser de projections vidéo pour imager les divers lieux de l’histoire (comme c’est trop le cas dans les comédies musicales récentes), McLane utilise une technique théâtrale vieille comme le monde : les panneaux qui montent et descendent du plafond du théâtre. Cette technique qui remonte probablement à l’époque de la fondation du vrai Moulin Rouge ajoute un réalisme à l’œuvre et permet de transformer la scène du Colonial. À de nombreux moments, on voit le décor prendre vie et on ne peut faire autrement que d’être impressionné par l’ingéniosité de McLane pour illustrer les multiples lieux où se déroule l’histoire. À l’image de l’œuvre qui fusionne passé et présent, le décor réaliste est jonché de stroboscopes et de lumières aux LED qui viennent donner des allures de spectacle rock aux numéros musicaux colorés. Les costumes de Catherine Zuber, pour leur part, sont fidèles à l’époque, alors que les robes de french cancan cohabitent avec des déshabillés sexy qui rappellent le vidéoclip « Lady Marmalade » de Christina Aguilera, Lil’ Kim, Mýa, et Pink.

À voir le décor titanesque, les costumes extravagants et la distribution toutes étoiles, il n’y a pas de doute que le budget de l’œuvre est immense. Ajoutez à cela les droits d’auteur à payer pour la centaine de chansons utilisées et je suis prêt à parier que l’on fait face à l’un des budgets les plus faramineux de Broadway. On ne le connaît pas pour le moment, mais je suis prêt à parier que lorsque ce montant sera rendu public à l’arrivée du spectacle à New York, la production ira se hisser à travers les productions les plus chères de l’histoire, aux côtés de Spider-Man (79M$) et Shrek (28M$). Souhaitons que Moulin Rouge! ne subisse pas le même sort que ces deux œuvres, qui ont toutes deux étés des flops…

Maintenant que la production a ouvert ses portes et que la billetterie affiche complète, la question est donc de savoir quand Moulin Rouge! fera sa grande rentrée new-yorkaise. Depuis le début, la production de Boston s’affiche comme étant la « Pre-Broadway World Premiere », même si aucune information officielle n’a été dévoilée à propos d’un éventuel transfert dans la Grosse Pomme. Habituellement, quand une production de rodage utilise le terme « Broadway » dans sa campagne de promotion, c’est qu’un théâtre est déjà réservé et que la date d’ouverture est connue. Or, pour Moulin Rouge!, rien n’a encore été annoncé. Karen Olivo tient le rôle principal de Fun Home en novembre à Madison au Wisconsin, Aaron Tveit a déjà quelques dates de concert annoncées cet automne et Alex Timbers signe la mise en scène de l’adaptation théâtrale du long-métrage Beetlejuice en octobre à Washington, DC. Les trois piliers de Moulin Rouge! sont donc très occupés dans les mois à venir, ce qui porte à croire que l’œuvre ne migrera pas à New York directement après Boston. Ma prédiction : les créateurs de l’œuvre prendront l’automne pour retravailler l’œuvre et prépareront une grande première sur Broadway au printemps, juste à temps pour les Tony Awards 2019. À suivre!

Peu importe la date d’arrivée, je suis convaincu que l’œuvre attirera les foules et que contrairement aux autres jukebox musicals, les critiques et galas seront favorables à l’œuvre.

En allant à Boston, j’étais convaincu que j’allais passer un bon moment en assistant à Moulin Rouge!, mais j’étais aussi convaincu que le spectacle aurait de grandes lacunes. Je m’en allais assister à une avant-première d’une production de rodage. On est encore loin de Broadway! Plusieurs grands classiques de la comédie musicale étaient des pertes quasi totales avant d’être retravaillés et d’ouvrir à New York. C’est normal. C’est avec cela en tête que je suis allé à Boston. En voulant voir les premiers balbutiements de l’une des comédies musicales les plus attendues des dernières années.

Ce que j’ai eu la chance de voir, ce n’est pas une perte quasi totale. Loin de là!
Oui, l’histoire se développe lentement.
Oui, on nage en plein dans le cucu et le kitsch.
Oui, on abuse des projections en cœur.
Oui, quelques scènes mériteraient d’être resserrées.
Oui, la roue n’est pas réinventée.
Je pourrais trouver cent raisons pour essayer de me convaincre que je n’ai pas aimé Moulin Rouge!
Mais le théâtre, c’est un divertissement et pendant trois heures, j’ai été diverti. Vraiment.

★★★★/5

 

**Mise à jour : Le 19 novembre, il a été annoncé que Moulin Rouge! ferait ses début sur Broadway le 28 juin 2019 au Al Hirschfeld Theatre avec la même distribution que Boston.

CRITIQUE EXPRESS : The Phantom of the Opera à la Place des Arts

Le temps me manque pour vous faire une critique exhaustive de la tournée américaine de The Phantom of the Opera qui joue présentement à la Place des Arts de Montréal. Tout de même, j’ai envie de vous donner mes premières impressions à propos de ce classique de Broadway. Voici mes deux coups de cœur et mes deux coups de gueule !

Points forts

  • Mise en scène : ENFIN un vent de fraîcheur pour cette comédie musicale qui utilise la même mise en scène depuis 1986! Laurence Connor a réinventé ce classique avec cette nouvelle production qui roule sa bosse à travers les États-Unis et l’Europe depuis 2012. Le spectacle gagne en rythme et les transitions sont rapides. Connor s’est assuré de conserver les éléments mythiques (le bateau du fantôme, les opulentes scènes d’opéra, etc.), tout en n’hésitant pas à actualiser certaines scènes (la mascarade, le toit de l’Opéra), question de surprendre positivement ceux qui ont vu le spectacle par le passé. L’alternance entre les scènes devant et derrière le rideau était redondante dans la mise en scène originale, et Connor est venu régler ce problème en donnant aux spectateurs de nouvelles perspectives (45 degrés, à moitié devant le rideau, à moitié derrière).
  • Scénographie : Ce deuxième point fort va de pair avec le premier. Connor et son scénographe Paul Brown ont fait entrer l’œuvre dans le 21e siècle avec l’utilisation de technologies modernes (ce qui manque à la production qui roule encore et toujours au Majestic Theatre de New York). La descente du Fantôme avec Christine dans les catacombes de l’Opéra Garnier est un moment fort du spectacle, alors que les marches apparaissent à mesure que les deux personnages descendent d’une structure imposante qui elle-même, est en mouvement. Les effets spéciaux surprennent et la façon dont les multiples lieux se créent est ingénieuse

Points faibles

  • Distribution : La comédie musicale The Phantom of the Opera demande un niveau relevé de chant et de jeu pour bien rendre l’histoire et les chansons. Malheureusement, la distribution de cette tournée est très inégale. Derrick Davis rend très bien le rôle-titre d’un point de vue du jeu, mais semblait retenir sa voix à chaque passage. Ce personnage doit en imposer physiquement, mais surtout, vocalement. Quand il chante, les murs doivent trembler sous la puissance de sa voix. Je vous confirme que les murs de la Place des Arts sont intacts. Eva Tavares était à l’opposé de Davis dans le rôle de Christine. Sa voix était exceptionnelle, mais son jeu laissait à désirer. J’ai senti que l’actrice mettait tous ses efforts à livrer une performance vocale impeccable, mais oubliait qu’une histoire devait être racontée. Raoul est un rôle difficile à interpréter, majoritairement parce qu’il est mal écrit. Jordan Craig faisait de grands efforts pour tirer son épingle du jeu, mais il n’avait malheureusement l’air que d’un prince de Disney caricatural sans 2e et 3e niveau. Les autres personnages secondaires étaient efficaces, mais ne m’ont pas marqué d’aucune façon. Piangi et Carlotta sont toujours d’excellents comic reliefs, mais les voix des interprètes ne m’ont guère jeté par terre.
  • Son : Quand on va voir une production théâtrale amateure, on tolère les petits problèmes techniques. Quand on va voir une production de calibre international (même si c’est une tournée), un son de mauvaise qualité est inacceptable. La balance de son était changeante à mesure que le spectacle avançait, mais une chose est restée identique du début à la fin : la musique enterrait les voix et le volume général était trop bas.

Au-delà de ces quelques points, The Phantom of the Opera est une œuvre immortelle qui vient toucher les spectateurs à tous coups. Le destin tragique des personnages fait son effet, même quand la sonorisation et les performances sont inégales 😉

 

★★★/5

CRITIQUE : Anastasia sur Broadway

Anastasia est un film animé hautement populaire paru en 1997 et vu par des millions d’enfants depuis. Je ne fais pas partie d’eux. Cette année-là, j’avais 6 ans et un film de princesse qui se passe en Russie devait être le dernier de mes soucis. Ce n’est rien contre l’œuvre, mais à l’époque, tout ce qui n’avait pas l’apparence d’un bloc Lego était invisible à mes yeux!

Tout de même, lorsque les premières rumeurs d’adaptation en comédie musicale avaient fait surface en 2015, ma curiosité avait été piquée. D’abord, parce que j’apprenais que l’excellent tandem Ahrens et Flaherty, qui avait écrit la trame sonore du film original, allait revenir à la charge avec de nouvelles chansons (ils sont à l’origine des comédies musicales Once On This Island, Ragtime et Rocky, notamment). Ensuite, parce que l’auteur Terrence McNally, reconnu pour les pièces Master Class et Deuce ainsi que pour les dialogues de plusieurs excellentes comédies musicales, allait écrire un nouveau livret. Finalement, parce que le metteur en scène Darko Tresnjak, dont j’avais apprécié le travail sur A Gentleman’s Guide to Love and Murder, était attaché au projet. Tous ces éléments laissaient présager une adaptation théâtrale intelligente, recherchée et cohérente.

Fast forward deux ans plus tard. Je suis à New York sur un coup de tête. Je planifie habituellement mes escapades new-yorkaises douze mois à l’avance (août 2018, j’ai hâte!). J’ai habituellement mes billets six mois à l’avance (Hamilton le 10 août 2018!). Là, je me suis levé le samedi 2 septembre pensant faire un petit aller-retour dans le Massachussetts pour voir la comédie musicale Company à Barrington Stage, puis revenir tranquillement à Québec le dimanche. Surprise!

  • Dimanche 3 septembre à 8h15 : départ vers New York
  • 10h30 : file d’attente pour TKTS sous la pluie
  • 11h00 : le guichet ouvre, Anastasia est disponible, le rabais est intéressant et l’heure nous permet de revenir à Québec à une heure (presque) décente
  • 11h15 : nous avons nos billets pour Anastasia
  • 14h00 : le rideau lève

En ce dimanche après-midi pluvieux, au Broadhurst Theatre de la 44e Rue, j’ai exactement obtenu ce que je prévoyais deux ans plus tôt : une adaptation intelligente, recherchée et cohérente. L’histoire générale du long-métrage est respectée, mais les éléments fantastiques de ce dernier ont été remplacés par des éléments bien réels. L’histoire d’Anastasia est traitée comme si c’était une comédie musicale historique. Bien sûr, plusieurs éléments de l’histoire de la vraie Anastasia Nikolaïevna de Russie manquent, donc les auteurs de la comédie musicale (et du film) comblent les trous. Pour le long-métrage de 1997, le méchant de l’histoire était une version maléfique et fictive du personnage historique réel, Grigori Rasputin (le vrai était décédé lorsque l’histoire d’Anastasia se déroule). Certains se rappelleront de sa chauve-souris de compagnie, Bartok. À l’époque, les producteurs avaient décidé de rester en-dehors de la politique, préférant ajouter des éléments fantastiques pour expliquer le drame de la famille du Tsar Nicolas II. Pour la comédie musicale, Terrence McNally a fait exactement l’inverse : il a supprimé les personnages de Rasputin et de Bartok, pour les remplacer par Gleb Vaganov, le général de l’armée bolchevique. Plutôt que d’être un méchant à part entière comme c’est souvent le cas  dans les films pour enfants, Gleb est un personnage nuancé et humain qui se doit de répondre aux ordres de son supérieur, tout en n’endossant pas nécessairement ce qu’on lui demande de faire. Gleb n’a jamais réellement existé, mais les auteurs l’ont créé de manière crédible et fidèle historiquement, alors qu’on le positionne dans les rangs de l’Armée rouge de Lenine. À l’image de cette décision dramaturgique, l’histoire de la comédie musicale est très bien construite. Par contre, je déplore le motif répétitif où s’enchaînent successivement dialogues, chanson, changement de décor, dialogues, chanson, changement de décor, etc, etc. Cette structure est répétée du début à la fin, rendant l’œuvre un peu monotone.

La mise en scène de Tresnjak est efficace, sans révolutionner quoi que ce soit. L’histoire se déroule dans de multiples lieux et l’équipe de création a pris une direction toujours populaire, mais qui me dérange: recréer chaque espace dans les moindres détails. S’il y a une porte dans l’histoire, IL DOIT Y AVOIR UNE PORTE SUR SCÈNE. On ne laisse pas place à l’imagination et on ne fait pas confiance à l’intelligence du spectateur. De plus, dans une histoire où des dizaines de lieux sont visités par les personnages, les changements de décor viennent alourdir le rythme. Certains diront que c’est une décision louable, considérant qu’une partie du public cible est très jeune. C’est vrai, mais Matilda The Musical aussi était destiné à un jeune public et le metteur en scène Matthew Warchus a osé faire confiance à l’intelligence de son public en créant un environnement scénique imaginatif et efficace. Ne vous trompez pas, les éléments de décor d’Anastasia m’ont impressionné. Visuellement, on se croyait réellement au beau milieu de Saint-Pétersbourg et de Paris. Par contre, les multiples transitions scéniques alourdissaient le déroulement de l’histoire. Au-delà des éléments de décors, les projections étaient très impressionnantes. La scène de train où le décor qui défile derrière les personnages tourne à mesure que le wagon change de direction doit être d’une grande complexité technique. Cette scène quasi-cinématographique est l’une des seules où Tresnjak nous montre son grand talent artistique et chorégraphique, que l’on avait découvert dans A Gentleman’s Guide to Love and Murder.

Un autre élément qui m’a dérangé est la façon dont chacune des chansons se termine. J’avais l’impression d’être dans un spectacle de Katy Perry où on assume que le public applaudira à la fin de chaque numéro. Toutes les chansons se terminent de la même manière : l’interprète pousse une note puissante et intense, puis sur la dernière note de l’orchestre, l’éclairage change pour signifier au public que c’est le moment d’applaudir. En comédie musicale, on ne doit pas assumer que chaque chanson sera suivie d’applaudissements. On doit subjuguer les spectateurs à un point tel qu’ils décident d’interrompre l’ordre normal du spectacle pour donner de l’amour à l’interprète! Comme spectateur, je m’abandonne complètement à une œuvre lorsque je ne sens pas de coupures entre les dialogues, chansons et chorégraphies. Je n’aime pas sentir le moment où le travail du metteur en scène s’est terminé et où celui du chorégraphe a commencé. Je n’aime pas sentir que le metteur en scène veut qu’on applaudisse à un moment bien précis. Une bonne comédie musicale forme un tout homogène où s’entremêlent toutes les disciplines. J’ai peut-être un regard trop technique, mais je déteste décrocher d’une œuvre parce que je sens que la scène de théâtre parlée vient de se terminer et l’introduction musicale qui mène à la chanson débute, le personnage restant de glace devant le public en attendant que le premier couplet voie le jour. C’est bien personnel, mais ça m’a dérangé dans Anastasia.

Les chorégraphies de Peggy Hickey, quant à elles, sont très efficaces et d’une grande beauté. Anastasia n’est pas une comédie musicale où la danse a une place prépondérante, mais lorsqu’il y en a, ça vaut le coup. Dans le deuxième acte, j’ai particulièrement aimé le moment où les personnages assistent à un ballet à Paris. Hickey et Tresnjak se sont tournés vers de réelles interprètes du New York City Ballet pour distribuer les rôles des quatre danseurs, ce qui ajoute un niveau de qualité à l’œuvre. Normalement, dans une comédie musicale de Broadway où il y a du ballet (exemple, The Phantom of the Opera), on engage des danseurs de théâtre musical qui ont un bagage de danse classique, sans pour autant être des spécialistes en la matière. Avec Anastasia, on crée un numéro extrêmement convainquant, aussi impressionnant que pertinent à l’histoire. La scène dansante provenant d’une œuvre fictive met en scène une ballerine et ses deux prétendants dans une chorégraphie endiablée où les deux hommes, l’un ange, l’autre démon, tentent de charmer la jeune innocente. Ce ballet recrée la situation vécue par les trois personnages principaux, Anya, Dmitri et Gleb. Ce moment de l’œuvre représente exactement le célèbre proverbe américain qui décrit le rapport à la musique et la danse dans le théâtre musical : « Quand l’émotion devient trop forte pour parler, on chante. Quand l’émotion devient trop forte pour chanter, on danse ».

Le point fort de la production est définitivement sa distribution. Les six personnages majeurs sont tous brillamment interprétés, ce qui fait oublier les petits éléments négatifs mentionnés précédemment. J’ai eu la chance de voir cinq des six interprètes originaux et je n’ai pas été déçu. Christy Altomare est une véritable révélation dans le rôle d’Anya/Anastasia. Elle met à profit sa puissante voix pour interpréter avec nuance le rôle-titre. Derek Klena, qui campe Dmitri, est le parfait jeune premier, avec sa voix claire et son look de prince de Disney. Dans le rôle de l’Impératrice douairière Marie, la doublure Janet Dickinson était très bonne. Je ne comprends cependant pas comme Mary Beth Peil, l’actrice qui a créé le rôle, a pu être nominée pour un Tony Award dans un rôle aussi minime et sans éclat. Ramin Karimloo interprète à merveille Gleb, le méchant-pas-si-méchant-finalement de l’histoire. Il met de l’avant sa puissante voix de ténor qui fait sa renommée aux quatre coins du monde. Je l’avais vu sur Broadway en 2014 dans Les Misérables, alors qu’il y tenait le rôle de Jean Valjean, et il m’avait beaucoup déçu. Le chanteur iranien-canadien semblait à bout de souffle, incapable de reproduire une performance à la hauteur de sa réputation. Dans Anastasia, Karimloo est à son aise alors qu’il ne porte pas le spectacle sur ses épaules. Son jeu d’acteur est touchant et il attaque chaque note de musique comme si c’était la dernière, au grand bonheur du public qui l’a applaudi à maintes reprises. Finalement, mon coup de cœur va au duo formé par John Bolton et Caroline O’Connor, qui interprètent Vlad et Lily. Le tandem comique, sortie de comic relief qui vient alléger l’histoire, est aussi charmant qu’hilarant. L’histoire d’amour loufoque de ces deux amants séparés par la révolution évolue dans l’ombre de la trame narrative principale et charme le public. Bolton et O’Connor sont les héros obscurs de cette solide distribution.

Bref, Anastasia est une adaptation réussie de ce long-métrage mythique pour toute une génération de jeunes filles. Si vous êtes comme moi, que vous n’avez pas vu le film et que vous avez jugé trop vite cette œuvre, pensant que c’est une histoire de princesse à l’eau de rose, détrompez-vous! Anastasia est une comédie musicale à la fois historique et politique, sans pour autant aller trop loin dans les détails et les enjeux. Ce n’est pas une œuvre biographique qui respecte ce qui est écrit dans les livres d’histoire. Ce n’est pas non plus une œuvre politique qui pose un regard analytique sur ce qui s’est déroulé après l’assassinat de la famille impériale russe. C’est plutôt une œuvre humaine qui s’inspire de faits historiques et politiques. C’est une histoire à la fois charmante et surprenante qui plaira à tous, du néophyte qui assiste à sa première comédie musicale jusqu’à l’adepte de théâtre musical intelligent et bien construit.

★★★★/5

CRITIQUE : La La Land

Il y a eu les quatre saisons de Vivaldi. Maintenant, il y a les 5 saisons de Damien Chazelle : La La Land. Raconté en quatre actes successifs et un cinquième plusieurs années plus tard, le long-métrage est déjà un chef-d’oeuvre, à quelques semaines d’être couronné à la cérémonie des Oscars. Oubliez les comédies musicales adaptées au grand écran ou les films musicaux où chaque envolée chantée vous fait grincer des dents!* La La Land ne peut tout simplement pas être comparé avec ce qui a été fait par le passé.

*Ne le prenez pas mal. J’ai beau être un adepte de Broadway au point de frôler
la maladie mentale, les adaptations cinématographiques du genre me laissent
habituellement un goût amer à la bouche (excluez les récents
Into the Woods
et Les Misérables à cette dernière phrase!)

Il est tout simplement impossible de trouver les mots justes pour décrire le long-métrage de l’auteur et réalisateur Damien Chazelle. Est-ce un hommage aux belles années du jazz? Est-ce un voyage dans le temps au beau milieu du Los Angeles des années 1940? Est-ce le regard de deux artistes nostalgiques sur notre époque contemporaine? La réponse est simple : La La Land est à la fois tout ça et rien de tout ça. C’est un hommage sans aucune intention d’être une reconstitution historique. C’est un voyage dans le temps davantage nostalgique que réaliste. Ce sont une foule de petits clins d’œil au passé sans aucun souci de chronologie. Et tout ça, dans une histoire qui se déroule hier, aujourd’hui ou peut-être demain!

La réalisation de Chazelle nous coupe le souffle dans ses moments les plus contemplatifs, et nous ramène aussitôt les deux pieds sur Terre dans son réalisme et ses petits irritants du quotidien. Une magnifique séquence dansée et chantée s’estompe et au moment où on a envie d’applaudir comme si l’on était assis dans un théâtre de Broadway, un système d’alarme se fait entendre. Une montée dramatique vers un premier baiser dans une salle de cinéma vintage est interrompue par un problème technique du projecteur. Un silence amoureux rempli de sous-entendus est brisé par un texto entrant.

La direction artistique globale est tout simplement impeccable. Les prises de vue sont magnifiques, les effets spéciaux sont bien amenés, les envolées artistiques (et chorégraphiques!) sont contrôlées et l’utilisation des éclairages est d’une très grande théâtralité. Ajoutez à cela des plans-séquences complexes et des scènes intimes tout en simplicité et vous avez un long-métrage où feux d’artifice et long fleuve tranquille ne font qu’un.

Chazelle a réussi un coup de maître : mettre le plus possible de clichés cinématographiques dans un même film, sans jamais nous donner envie de rouler les yeux. Ces procédés stylistiques sont pleinement assumés et ajoutent au côté « hommage » de l’oeuvre. Ces répliques préfabriquées et surutilisées à Hollywood depuis l’époque de James Dean et Vivien Leigh prennent soudainement tout leur sens et cadrent parfaitement dans l’ambiance créée par le prolifique réalisateur et scénariste de 32 ans.

Les nombreuses scènes à la fois esthétiques et réalistes sont autant d’hommages à l’âge d’or d’Hollywood que de références à des créateurs modernes. Et pour clore ces 120 minutes de pur bonheur? Une boucle scénaristique bouclée magnifiquement avec une séquence à vous couper le souffle. Une fin parfaitement imparfaite qui vient placer l’oeuvre de Chazelle dans la marge des films musicaux auxquels Disney et tous les autres nous ont habitués.

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Après ces six paragraphes d’éloges, vous êtes maintenant convaincu que les producteurs du film m’ont offert des pots-de-vin en échange d’une critique parfaite? Détrompez-vous, je n’ai pas tout aimé! Par exemple, le numéro chorégraphique qui fait office d’ouverture m’a fait un peu peur. Suis-je assis devant la suite de Mamma Mia! où les quais d’une île grecque ont été remplacés par une bretelle d’autoroute californienne? Heureusement pour moi, une fois cette première chanson terminée, j’ai tout de suite oublié ce douloureux souvenir de Pierce Brosnan et Amanda Seyfried qui chantent les succès d’Abba et j’ai sauté à pieds joints dans l’univers créé par Damien Chazelle. D’autres points négatifs? Et bien non!

Côté interprétation, il n’y a pas de doutes qu’Emma Stone et Ryan Gosling sont nés pour les rôles de Mia et Sebastian. Depuis ses touts débuts au grand écran, Stone a des airs de star hollywoodienne de la belle époque. Son jeu est tout en nuance et sa voix est d’une solidité surprenante (merci à ses 14 semaines passées à jouer Sally dans Cabaret sur Broadway en 2015 à raison de 8 représentations par semaine). La scène où elle interprète la chanson nominée aux Oscars « Audition (The Fools Who Dream) » vaut le déplacement à elle seule! De son côté, Gosling joue son personnage complexe toute en subtilité et sa voix chantée est surprenante. Il n’a pas la solidité de sa partenaire à l’écran, mais le personnage de Sebastian ne pourrait tout simplement pas être interprété par un exubérant ténor. Au-delà des deux têtes d’affiche, la distribution qui les entoure est judicieusement choisie. J’ai adoré la présence de John Legend dans le rôle d’un ambitieux chanteur jazz et l’utilisation « clin d’oeil » de J.K. Simmons, qui avait remporté un Oscar d’interprétation pour le dernier film de Chazelle, Whiplash.

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La trame sonore signée par Justin Hurwitz est un chef-d’oeuvre d’une authenticité déconcertante. Pour un compositeur d’à peine 30 ans, l’artiste a une maîtrise complète des époques et des styles auxquels il rend hommage. Pour son travail sur La La Land, il est nominé pour trois Oscars, l’un pour sa trame sonore et les deux autres pour deux chansons individuelles. En tant que fan de comédie musicale, j’étais particulièrement fier de voir les noms de Benj Pasek et Justin Paul au générique, eux qui signent les paroles. Ces derniers oeuvrent depuis quelques années sur Broadway et connaissent présentement un succès monstre avec leur dernière création : Dear Evan Hansen.

En conclusion, je peux vous dire que je me suis assis dans la salle de cinéma en ayant des attentes grimpées jusqu’au plafond. Les critiques unanimes, la pluie de trophées aux Golden Globes et les 14 nominations aux Oscars n’aident pas à faire descendre les attentes. Pourtant, en ayant cet ouragan de commentaires positifs en tête, La La Land m’a tout de même jeté par terre. C’est peu dire pour exprimer toute la beauté et toute l’intelligence de ce long-métrage. Je vous le dis, courez voir La La Land. NON, mieux encore : dansez voir La La Land.

CRITIQUE : The Hamilton Mixtape

Ce n’est plus un secret pour personne, la comédie musicale Hamilton est une révolution, encore aujourd’hui, près de deux ans après ses débuts à New York! Le génie derrière l’œuvre, Lin-Manuel Miranda, est passé de «talentueux compositeur de Broadway» à «génie créatif le plus en demande aux États-Unis». En quelques mois, il a remporté deux Tony Awards, a écrit un excellent livre sur la création d’Hamilton, a réussi à faire changer d’idée le Département du Trésor des États-Unis qui voulait retirer Alexander Hamilton du billet de 10$, a mis la main sur le prestigieux prix Pulitzer, a écrit la musique du nouveau film de Disney Moana, a signé pour jouer dans le long-métrage Mary Poppins Returns aux côtés d’Emily Blunt, a animé une édition record de Saturday Night Live et a préparé les productions à venir d’Hamilton à Chicago, Londres et San Francisco. Bref, le gars ne dort pas  😉

Parmi tous ses projets post-Hamilton, Lin-Manuel Miranda a lancé l’album The Hamilton Mixtape, dont le volume 2 serait déjà en production. Le concept est simple : l’album regroupe des reprises de chansons de la comédie musicale et des pièces inspirées de l’œuvre, le tout interprété par une brochette d’artistes 5 étoiles : Usher, Sia, John Legend, Queen Latifah, Kelly Clarkson, Jimmy Fallon, The Roots, Wiz Khalifa, Alicia Keys, Nas, Ashanti, Ja Rule et plusieurs autres.

Pour la petite histoire, Lin-Manuel Miranda avait d’abord eu l’idée d’écrire un album de rap inspiré du père fondateur Alexander Hamilton intitulé The Hamilton Mixtape. À force d’écrire, le projet d’album est devenu une comédie musicale et le reste est entré dans l’histoire. The Hamilton Mixtape, qui paraît 18 mois après les débuts de l’œuvre sur Broadway, est donc un retour à l’idée originale de son créateur.

Maintenant, la grande question : l’album est-il bon? TOUT À FAIT! Par contre, si vous voulez comprendre l’engouement autour d’Hamilton, la trame sonore de Broadway est l’album qu’il vous faut. Les performances des acteurs originaux de Broadway sont profondément senties et ceux-ci ont une maîtrise parfaite de leur personnage, des chansons, des intentions, etc. Pensez-y : lors de l’enregistrement du «Original Broadway Cast Recording», les acteurs new-yorkais avaient déjà donné plus d’une centaine de représentations de la comédie musicale!

Du côté du Hamilton Mixtape, on ne retrouve pas ces performances intenses d’acteurs qui interprètent des personnages. Par contre, on retrouve des artistes musicaux qui ont une maîtrise parfaite de leur art. Que ce soit par le rap ou le chant, on ne peut nier que nous sommes en présence d’interprètes de haut calibre!

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De plus, même si l’album de Broadway révolutionnait la façon d’enregistrer et de produire une trame sonore pour une comédie musicale (Hamilton a facilement remporté le Grammy for Best Musical Theater Album), The Hamilton Mixtape met la barre encore plus haute. Le producteur et musicien Questlove (du groupe The Roots) et Lin-Manuel Miranda avaient réalisé l’album de Broadway et répètent leur travail pour le Mixtape. L’absence des contraintes de production d’une trame sonore de comédie musicale leur donne une liberté immense. Pour produire un bon cast recording, les réalisateurs de l’album tentent de recréer la magie qui opère sur scène soir après soir, sur un album. Dans le cas de l’album d’Hamilton, c’est très réussi! Avec The Hamilton Mixtape, les barrières tombent et les deux artistes ont réalisé un album complètement éclaté. On est complètement à l’opposé d’une trame sonore uniforme, chaque chanson ayant sa propre couleur unique.

Quand on est fan d’Hamilton comme je le suis, la première écoute des réinterprétations du Hamilton Mixtape est difficile à apprécier. On est habitué à l’enchaînement naturel des chansons, à l’esthétisme sonore uniforme et aux interprétations des acteurs originaux. Par contre, quand on se rappelle que le Mixtape n’est en fait qu’un collage inspiré de la comédie musicale, on apprécie davantage. Si l’album de Broadway permet de comprendre toutes les subtilités de l’histoire et de ses personnages complexes, le Mixtape permet plutôt d’apprécier le génie musical et mélodique des chansons.

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Mes coups de cœur?
Tout d’abord, je ne peux passer sous silence les deux démos de l’auteur-compositeur Lin-Manuel Miranda, qui sont en fait deux chansons écrites pour la comédie musicale qui n’ont pas été retenues au final. Quand on connaît bien la pièce, on peut s’imaginer l’emplacement et la pertinence des chansons « Valley Forge » et « Cabinet Battle #3 ». Une troisième chanson coupée d’Hamilton intitulée « Congratulations » fait également partie du Mixtape, interprétée avec brio par la rappeuse Dessa.

Personnellement, parmi toutes les reprises de chansons de la comédie musicale qui font partie du Mixtape «Satisfied» de Sia (avec Miguel & Queen Latifah) et «History Has Its Eyes on You» de John Legend se démarquent. Les interprètes aux voix exceptionnelles saisissent parfaitement l’état d’esprit des personnages et offrent des performances uniques et senties. Parlant de reprise, le duo « Helpless » d’Ashanti et Ja Rule semble tout droit sorti du début des années 2000 et fera sourire ceux qui ont connu cette époque ou les duos R&B/Hip Hop avaient la cote.

Mon plus gros coup de cœur est définitivement « You’ll Be Back » interprétée par l’humoriste et animateur Jimmy Fallon. Lin-Manuel Miranda n’a jamais caché l’influence de la britpop des années 60 dans les trois chansons du seul personnage britannique de l’œuvre, le roi George III. Dans la version du Mixtape, on se croit au beau milieu de l’océan dans le Yellow Submarine de Paul, John, George et Ringo. Les sonorités beatlesques sont pleinement assumées, ce qui fait de « You’ll Be Back » l’un des meilleurs morceaux de l’album.

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Finalement, je me dois de lever mon chapeau aux chansons originales inspirées d’Hamilton qui se retrouvent sur l’album. Plusieurs artistes, plutôt que de faire une reprise de la comédie musicale, ont créé des pièces originales. La chanson «Immigrants (We Get The Job Done)» de K’NAAN, Snow Tha Product, Riz MC et Residente, inspirée d’une ligne humoristique chantée à la fin de l’Acte 1, est excellente. La chanson est porteuse d’une grande rage et est d’une grande résonnance, surtout à l’aube de l’ère anti-immigration que le Président élu Trump promet.

 

Et mes coups de gueule?
Comme mentionné précédemment, plusieurs chansons du Mixtape sont des reprises de chansons de la comédie musicale. Si Kelly Clarkson, Sia et John Legend ont réussi à se réapproprier certaines pièces, d’autres artistes comme Regina Spektor et Andrea Day ont échoué à la tâche. Leur interprétation de « Dear Theadosia » et « Burn » ne sont pas mauvaises, mais ces nouvelles versions ne sont que de pâles copies des versions originales de Broadway. Spektor et Day n’amènent absolument rien de nouveau, se contentant simplement d’imiter les interprètes originaux.

J’avais de grandes attentes pour les chansons de Wiz Khalifa et Alicia Keys sur le Mixtape. Je ne peux pas dire que j’ai été déçu, mais je ne peux pas dire que j’ai été surpris ou impressionné. « That Would Be Enough » met en valeur la magnifique voix d’Alicia Keys, mais elle n’a rien amené de nouveau à la pièce. Wiz Khalifa, de son côté, offre une performance sans artifices avec « Washingtons By Your Side ». Dans les deux cas, je suis resté sur ma faim et je considère que ces deux morceaux ne ressortent pas du tout du lot…

 

En conclusion
Pas de doute, le Hamilton Mixtape était très attendu par les nombreux fans de la comédie musicale la plus en demande sur Broadway. L’album est de très haut niveau et devrait connaître un succès populaire d’importance. Il faut rappeler que la trame sonore de la production de Broadway avait fracassé tous les records de vente pour un album de comédie musicale, vendant plus de deux millions de copies.

La question qui tue : le Hamilton Mixtape est-il supérieur à la trame sonore originale? Non. En fait, il est très difficile de comparer les deux albums. Pour un fan de comédie musicale, le Mixtape est un complément amusant au Broadway Cast Recording. Pour un fan hip hop, le Mixtape est une introduction en douceur au monde de la comédie musicale et à l’engouement monstre entourant Hamilton.

En attendant une série de représentations en sol canadien ou une adaptation cinématographique, le Mixtape est un bonbon supplémentaire pour les milliers de fans d’Hamilton qui attendent encore et toujours de réussir à voir la production de Broadway sans avoir à réhypothéquer leur maison  😉

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CRITIQUE : American Psycho sur Broadway

À l’écriture de ces lignes, la comédie musicale American Psycho a déjà fermé ses portes sur Broadway après une courte série de représentations qui n’aura duré qu’à peine deux mois. La production a eu de la difficulté à rejoindre un large public, les critiques mitigées et le peu de nominations aux Tony Awards n’aidant pas à créer un buzz

Certes, j’ai passé une excellente soirée au Gerald Schoenfeld Theatre le dimanche 22 mai dernier! Il faut dire que je m’intéresse au développement de l’œuvre depuis plus de quatre années, ayant adoré le film de 2000 avec Christian Bale. J’avais même participé à la campagne Kickstarter de la production de Londres où les producteurs s’étaient tournés vers la célèbre plateforme de sociofinancement pour soulever les fonds nécessaires afin d’avoir de vrais musiciens plutôt que des trames sonores. Dès les premières rumeurs de développement de ce projet, je pouvais m’imaginer l’esprit tordu du protagoniste Patrick Bateman se matérialiser sur scène dans un univers éclaté qui est en quelque sorte le point de rencontre (s’il y en a un) entre Sweeney Todd et la musique de Phil Collins.

Bref, revenons à la base : American Psycho est basée sur le controversé livre de Bret Easton Ellis qui raconte la vie mouvementée de Patrick Bateman, un jeune banquier matérialiste de Wall Street à la fin des années 80 qui a deux passions : la musique pop et la mutilation de jeunes femmes. Son monde bascule à l’aube de ses 27 ans alors qu’un de ses collègues, Paul Owen, décroche un gros client qu’il convoitait. S’en suit une psychose sanglante où s’alternent les bains de sang, les orgies, la consommation de cocaïne et « Power of Love » de Huey Lewis. Comprenez-vous pourquoi je vous disais que le spectacle a eu de la difficulté à trouver une audience sur Broadway? À travers Wicked, The Lion King et Aladdin, American Psycho est un ovni avant-gardiste qui aurait probablement eu plus de succès dans un petit théâtre Off-Broadway.

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C’est l’auteur-compositeur Duncan Sheik, à qui l’ont doit la comédie musicale Spring Awakening et le succès « Barely Breathing » paru en 1996, qui signe la musique de l’œuvre. L’artiste a composé une vingtaine de chansons électropop qui semblent tout droit sorties des années 80. De ce fait, les musiciens ont troqué les cordes et les cuivres qu’on voit habituellement sur Broadway pour des synthétiseurs et une batterie électronique. Et comme le personnage principal est obsédé par la musique pop de l’époque, Sheik a intégré quelques succès de l’époque à sa trame sonore, de manière ingénieuse et subtile. Mentionnons « In The Air Tonight » de Phil Collins en chœur et a cappella! À mon goût personnel, American Psycho est l’une des meilleures trames sonores de comédie musicale des dernières années.

Côté livret et dialogues, l’auteur Roberto Aguirre-Sacasa a réussi là où Mary Harron et Guinevere Turner avaient échoué avec le film paru en 2000 : humaniser Patrick Bateman. Il est trop facile de tomber dans le panneau et de présenter le jeune banquier comme fondamentalement méchant. Il doit y avoir une raison derrière cette méchanceté, une explication valable qui permet au public de tout de même s’attacher au protagoniste. Derrière son égocentrisme et ses envies meurtrières, Patrick Bateman est un être seul et en manque de confiance. Est-ce que cela justifie les meurtres en série? Non. Par contre, ça permet aux spectateurs de s’intéresser au sort du personnage plutôt que de le catégoriser comme un simple méchant et se foutre éperdument de ce qui lui arrivera. Pour le reste, Aguirre-Sacasa a réussi à injecter une bonne dose d’humour grinçante à American Psycho, ce qui allège le tout.

Benjamin Walker est affilié au rôle de Patrick Bateman depuis 2011, année où il jouait le rôle-titre de la comédie musicale Bloody Bloody Andrew Jackson. Soucieux d’une constance dans sa carrière, la rumeur veut que Walker n’accepte seulement des rôles où le sang est proéminent! Blague à part, Walker fait vivre sur scène ce personnage tordu avec humanisme et cynisme, ne quittant pratiquement jamais la scène. Le spectacle repose sur ses épaules et l’acteur relève le défi avec brio. Je ne comprends toujours pas comment les voteurs des Tony Awards ont pu l’écarter de la course au meilleur acteur dans une comédie musicale… L’ensemble des personnages qui entourent Bateman, de ses collègues banquiers matérialistes à ses multiples conquêtes féminines (et futurs trophées de chasse), sont tous joués avec justesse par un groupe d’interprètes talentueux et dans une forme physique exceptionnelle! Comme l’histoire se déroule dans les années 80, à l’ère des vidéos d’entraînement de Jane Fonda, les multiples personnages ont tous une obsession pour leur corps. De ce fait, il y a probablement davantage de « six-pack » dans American Psycho que dans une boutique Abercrombie & Fitch. Je serais curieux de voir l’appel d’auditions en détail : « Obligatoire : fortes aptitudes en danse, technique vocale impeccable et six-pack découpé. Avoir été mannequin pour Victoria Secret est un atout ».

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Pour le reste, Jennifer Damiano, que l’on connaît pour ses performances dans Next to Normal et Spider-Man, offre une performance touchante et sentie dans le rôle de Jean, alors que Drew Moerlein joue avec justesse et humour le banquier Paul Owen, qui est l’objet de l’obsession et de la jalousie de Bateman.

Le metteur en scène britannique Rupert Goold a fait un travail formidable avec American Psycho, créant un univers unique à l’aide d’un décor à angle qui donne un effet de profondeur saisissant et des planchers pivotants qui sont utilisés à outrance dans le spectacle. De manière ingénieuse, Goold crée une suite troublante de tableaux, tantôt réalistes et tantôt imaginatifs, de l’appartement de Patrick aux ruelles de Manhattan, d’une journée à la plage à une montagne de corps ensanglantés. Les transitions se font rapidement et subtilement, empêchant la présence de temps morts. Mon coup de cœur? La scène finale du premier acte, où l’on descend un rideau de plastique pour protéger la foule des multiples jets de sang, le tout au rythme de « Hip to Be Square » de Huey Lewis and The News.

À la mise en scène s’ajoutent les chorégraphies contemporaines de Lynne Page, qui divertissent dans le premier acte et qui troublent dans le deuxième. Loin du souci de faire de belles chorégraphies pour impressionner les spectateurs, celles-ci sont plutôt au service de l’histoire, illustrant merveilleusement bien les personnages torturés et complexes que sont Bateman et sa bande.

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Côté scénographie, ce sont les éclairages et les projections qui volent le spectacle. Les décors d’un blanc immaculé à l’image des tendances épurées des années 80 servent de canevas pour Finn Ross, le concepteur vidéo qui crée des univers à la fois dynamiques et dramatiques. Avec American Psycho, la technologie est au service de l’histoire, tant dans l’intégration de plaques tournantes au décor que dans les éclairages violents de Justin Townsend. Côté design sonore, je n’ai personnellement jamais entendu sur Broadway une balance de son plus forte que celle d’American Psycho. La lourde basse vient vous frapper de plein fouet comme dans un concert rock et les synthétiseurs aigus résonnent avec puissance dans vos oreilles, aidant à créer l’univers de Patrick Bateman. Les costumes parfois épurés, parfois colorés de Katrina Lindsay servent très bien l’histoire, nous rappelant la mode particulière des années 80.

Bref, comme vous pouvez le constater, j’ai passé une excellente soirée et je considère American Psycho dans le top-5 des productions que j’ai vues sur Broadway. Dans l’avenir, est-ce qu’on parlera d’un flop pour qualifier la production? Tout à fait! Dans l’avenir, dira-t-on qu’American Psycho était artistiquement pauvre et que l’œuvre est à oublier? Pas du tout! À travers les années, bon nombre d’excellentes comédies musicales ont échoué sur Broadway. Certains attribuent la fermeture prématurée de l’œuvre au succès monstre que connaît la comédie musicale Hamilton. Personnellement, je ne suis pas d’accord. Le succès d’une œuvre ne peut pas expliquer l’échec d’une autre. À mes yeux, American Psycho n’était tout simplement pas faite pour Broadway. L’œuvre est trop controversée, trop expressionniste et trop sanglante pour être un succès commercial et vendre 10 000 billets hebdomadairement. Pour avoir du succès sur Broadway, il faut avoir du contenu de qualité, mais il faut également rejoindre un large public. Sinon, comment voulez-vous vendre 1 500 sièges à raison de huit représentations par semaine pendant des mois et des mois? American Psycho a fait un tabac lors de sa sortie à Londres en 2013, mais il faut savoir que l’Almeida Theatre où l’œuvre tenait l’affiche ne contient que 325 sièges, comparable à un théâtre new-yorkais de catégorie Off-Broadway. Si la comédie musicale de Duncan Sheik avait ouvert ses portes au New York Theatre Workshop, au Public Theater ou au Second Stage Theatre, l’œuvre aurait certainement été un vif succès. Bref, tout est une question de choix et selon moi, la plus grande faiblesse d’American Psycho a été la décision de ses producteurs de sauter quelques étapes et de se lancer directement sur Broadway. Mais pouvons-nous réellement en vouloir à Patrick Bateman de choisir le prestige et la luxure de Broadway plutôt que l’intimité et l’humilité d’une salle Off-Broadway?

Au-delà de tout ça, l’œuvre continuera à vivre par le biais de sa trame sonore parue cette année ainsi que par ses multiples productions qui verront le jour dans le futur. Si vous avez l’occasion de voir American Psycho, sautez sur l’opportunité, mais n’oubliez pas votre imperméable… 😉

CRITIQUE : School of Rock sur Broadway

Vous vous rappelez du film L’École du Rock qui mettait en vedette Jack Black et qui racontait l’histoire d’un musicien raté qui apprenait à des élèves du primaire à jouer du rock ‘n’ roll? Et bien sachez que School of Rock The Musical est l’adaptation théâtrale de ce long-métrage paru en 2003.

Je vous remets dans le contexte de cette journée du 21 mai dernier : je suis en file au kiosque TKTS et je vois défiler sur un grand panneau lumineux toutes les comédies musicales et pièces de théâtre disponibles à rabais. Pour une des rares fois dans ma vie où je n’attends pas mon tour en sachant exactement ce que je veux voir, je me laisse tenter parce ce que me propose l’écran rouge. Au final, j’hésite entre deux spectacles : The Curious Incident of a Dog in the Night-time, la pièce de théâtre dramatique et éclatée qui a tout raflé aux Tony Awards l’an dernier, et School of Rock, une nouvelle œuvre d’Andrew Lloyd Webber adaptée d’un film que j’avais beaucoup aimé. Le point tournant de ma décision? J’avais envie de rire! J’avais déjà mes billets pour deux comédies musicales dramatiques le lendemain, alors j’avais envie d’un spectacle où j’allais rire. Je venais donc d’éliminer The Curious Incident… J’allais passer l’après-midi au mythique Winter Garden Theatre où, paraît-il, on peut encore trouver des poils de chat sous les sièges (pour ceux qui ne comprennent pas ma référence pas trop évidente : Cats y a tenu l’affiche pendant 18 ans). En choisissant School of Rock, je voulais rire et j’ai été servi. Par contre, je n’avais aucune idée qu’entre mes multiples éclats de rire, j’allais aussi être ému.

Avec School of Rock, les comparaisons avec Matilda the Musical (que j’ai ADORÉ!) sont multiples : un grand nombre d’enfants surdoués tiennent des rôles importants, l’histoire se déroule dans une école, la pièce est une adaptation d’un film populaire, etc, etc. Le fait que School of Rock ouvre ses portes trois années après Matilda ne l’avantage pas parce que toutes ressemblances peuvent être interprétées comme une « copie » de l’autre.

Ayant écouté la trame sonore de School of Rock et ayant vu plusieurs extraits vidéo de l’œuvre, je m’attendais à passer un très bon moment, sans plus. À mes yeux, la barre mise très haute par Matilda n’allait pas être atteinte, et j’ai le plaisir de vous annoncer que je me trompais!

Ma première description à ma blonde quand je l’ai rejointe à notre chambre d’hôtel après le spectacle a été : « School of Rock, c’est Matilda sur le Red Bull! »

Pour en terminer avec les comparaisons et finalement entrer dans le vif de ma critique : Matilda est une production beaucoup plus peaufinée dont la mise en scène Robert-Lepagesque est ingénieuse et éclatée, alors que l’histoire de School of Rock est beaucoup plus percutante et sentie. Je suis sortie du théâtre le sourire fendu jusqu’aux oreilles avec l’impression d’avoir reçu en pleine face une gigantesque dose de bonheur et de riffs de guitare endiablés!

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D’abord, School of Rock raconte l’histoire de Dewey Finn, un rocker bedonnant et raté dont le colocataire, Ned, est un ami d’enfance et enseignant au primaire. Un bon matin, le téléphone sonne et c’est la directrice de la très réputée Horace Green School qui cherche un remplaçant pour une enseignante absente. Dewey, qui croule sous les dettes, décide de se faire passer pour Ned et de remplacer dans cette classe de 5e année. Pensant surveiller une bande de morveux hautains, Dewey découvre éventuellement qu’ils sont doués en musique. Il décide donc de leur enseigner le rock et de les inscrire au Battle of the Band pour tenter de détrôner son ancien groupe qui l’a récemment congédié. S’en suivent des jams forts en décibels, des quiproquos amusants et un début d’histoire d’amour entre Dewey et la directrice de l’école. Ajoutez à cela les préoccupations des jeunes qui sont délaissés par leurs parents riches et absents ainsi qu’une élève gênée qui trouve sa voie (et sa voix!) et vous avez une œuvre surprenante, touchante et amusante.

Le point le plus fort? Les jeunes qui jouent RÉELLEMENT de la musique rock. À travers les années sur Broadway, on a vu des jeunes acteurs chanter, danser et acter avec brio. Par contre, la dizaine d’enfants dans School of Rock ont une quatrième corde à leur arc : ce sont des virtuoses! La petite Katie, haute comme trois pommes, troque son violoncelle pour une basse électrique et excelle autant dans le Bach que dans le hard rock. Le petit Zack performe des solos de guitare électrique qui pourraient rendre jaloux Eddie Van Halen. Chacun des petits virtuoses chante très bien, interprète son personnage avec justesse et maîtrise son instrument comme un adulte ayant 10 ans de Conservatoire derrière la cravate. Et croyez-moi, les jeunes jouent pour vrai et il n’y a aucune bande préenregistrée. Même Sir Andrew Lloyd Webber, qui signe la musique, l’explique au public avant la levée du rideau.

Parlant du compositeur anglais à qui l’on doit Cats, Evita et The Phantom of the Opera, sa trame sonore pour School of Rock est définitivement l’une de ses meilleures! Webber a d’abord fait sa marque en signant la musique rock de Jesus Christ Superstar et après plusieurs essais (souvent infructueux) en musique classique, il est revenu aux sources avec des chansons accrocheuses aux influences britanniques qui vont de Deep Purple à Black Sabbath en passant par Led Zeppelin et The Rolling Stones. Ajoutez à cela les quelques chansons composées par Jack Black pour le film et vous avez une trame sonore qui pourrait très bien accompagner une balade en décapotable un soir d’été. Bref, après des décennies de grands succès, suivi par des décennies de flops, il est plaisant de voir Andrew Lloyd Webber renouer avec le succès en retournant à ses racines : le rock ‘n’ roll!

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Du côté des autres performances, l’excellente Sierra Boggess, qu’on est habitué de voir dans des rôles dramatiques et classiques (The Phantom of the Opera, Love Never Dies, Les Misérables), sort de sa zone de confort en interprétant avec justesse la directrice pincée et névrosée d’Horace Green School. Pour ce qui est du rôle de Dewey, il n’y a pas de doute que le nouveau venu Alex Brightman a une réelle chance de remporter le Tony Award du meilleur acteur! À la représentation que j’ai vue, c’était sa doublure Jonathan Wagner qui tenait le rôle et ce dernier a offert une performance impeccable. Le rôle nécessite un large éventail de compétences, d’une voix rock au registre interminable à un timing comique parfait, en passant par un jeu de guitare complexe et une justesse dramatique hors pair. Autant Brightman (selon les critiques unanimes) que Wagner possèdent l’ensemble de ces compétences, leur permettant d’être le pilier central de cette mégaproduction qu’est School of Rock.

Pour le reste, les dialogues de Julian Fellowes (l’homme derrière la série Downtown Abbey) sont précis et punchés alors que la mise en scène de Laurence Connor est efficace, sans plus. C’est plutôt la scénographie d’Anna Louizos qui se démarque, alors que les transitions scéniques entre les multiples lieux se font subtilement, sans casser le rythme de l’histoire. J’ai eu un gros coup de cœur pour la plateforme rotative qui fait office de scène lors du Battle of the Band, où l’action se déroule autant devant que derrière le rideau.

Est-ce que School of Rock est une production qui passera à l’histoire? Probablement pas. Est-ce qu’on mentionnera l’œuvre dans les palmarès des plus grandes comédies musicales de Broadway? Clairement pas. Est-ce que je vous recommande School of Rock? Définitivement, OUI!

Parfois on va au théâtre pour réfléchir, parfois on y va pour être touché et parfois on y va pour être choqué… Par contre, parfois on veut simplement passer un bon moment en étant diverti. C’est exactement ce à quoi sert School of Rock! Vous rirez aux éclats, vous serez impressionné par les performances et au passage, vous serez ému. Quoi demander de mieux?

Grease Live : FOX donne une leçon à NBC

Je vous en ai parlé dans un précédent article, NBC a relancé la tradition des années soixante de présenter des comédies musicales en direct. Avec La Mélodie du Bonheur, Peter Pan et The Wiz, le réseau a obtenu des cotes d’écoute faramineuse. Par contre, hier soir, FOX est entré dans la danse avec Grease et NBC aura des croûtes à manger pour sa prochaine production!

D’abord, le simple choix de revisiter Grease était un coup de génie! Les jeunes et les moins jeunes s’y retrouvent assurément. Les premiers parce qu’ils ont vécu le buzz autour du film original. Les seconds parce que la distribution était bourrée de vedettes : Vanessa Hudgens, Carly Rae Jepsen, Carlos PenaVega et j’en passe. Habituellement, je suis le premier à redouter ce type de casting… Carrie Underwood avait fait mal figure dans la version live de La Mélodie du Bonheur en 2013. Par contre, c’est Grease! Ce sont des chansons pop, c’est rose bonbon partout et le niveau de jeu n’a pas besoin d’être élaboré. Qui plus est, les vedettes étaient entourées d’habitués de Broadway qui ajoutaient une bonne dose d’expérience à la distribution : Aaron Tveit, Andrew Call, Elle McLemore, Ana Gasteyer, Haneefah Wood, etc. Ajoutons à cela les clins d’œil aux acteurs qui jouaient Frenchy et Doody dans le film original et les caméos de Boyz II Men et Joe Jonas pour faire un jolie portrait qui plaît à tous.

Comme au hockey, voici mes 3 étoiles de la soirée :

  1. Le duo Sandy-Dany : Julianne Hough et Aaron Tveit sont de loin les chanteurs-danseurs-acteurs les plus solides et surpassent Newton-John et Travolta, à mon humble avis. Tveit est un vétéran du théâtre new-yorkais qui a brillé dans Wicked, Hairspray, Next to Normal et Catch Me If You Can et depuis son rôle dans le film Les Misérables, sa carrière atteint de nouveaux sommets au grand plaisir des amateurs de Broadway.
  2. Vanessa Hudgens : Et oui, je parle bien de l’enfant chérie des horribles films High School Musical à la voix nasillarde qui étaient l’une des multiples raisons pourquoi j’avais regretté d’avoir regardé ce film… Hudgens joue Rizzo avec justesse et sa voix a pris énormément de maturité, merci à son année passée sur Broadway à donner 8 performances par semaine!
  3. Les scènes extérieures : Pour ajouter au niveau de difficulté déjà très élevé, on a décidé de tourner certaines scènes à l’extérieur, donnant des prises de vue aériennes exceptionnelles. Mentionnons la finale « We Go Together » ainsi que le salut des acteurs comme au théâtre, qui se font à la belle étoile.

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Au-delà des performances, la réalisation de Thomas Kail (Hamilton sur Broadway) est impeccable et ingénieuse. La comédie musicale est filmée en direct dans un studio de télévision comme un long plan séquence entrecoupé de quelques pauses publicitaires, mais Kail et son équipe réussissent de petits miracles d’ingéniosité. De plus, contrairement aux versions de NBC, on n’essaie pas de nous faire croire que ce n’est pas en direct et que c’est un long-métrage à gros budget. L’équipe de Grease assume pleinement son concept, avec le personnage de Vince Fontaine qui parle aux téléspectateurs avant les pauses publicitaires et les images en coulisses des acteurs qui se préparent à la prochaine scène. Tant qu’à assumer le direct, FOX a même ajouté un public dans les studios qui applaudissent à la fin des chansons, comme lors d’une comédie musicale. Ceux-ci font même office de figurants à plusieurs moments.

L’équipe de production n’a pas hésité à réécrire certains passages, prenant les éléments positifs du film et de la comédie musicale originale pour en retirer le meilleur et faire une nouvelle version au goût du jour. Des chansons de la production de Broadway de 1971 qui n’avaient pas été retenues pour le film de 1978 ont été ramenée à l’avant plan et certaines chorégraphies se sont vues redonner un petit coup de jeunesse. Autre point positif : l’école secondaire Rydell est désormais intégrée! Même si l’action se passe toujours en 1959, la distribution compte une multitude d’Afro-Américains et de Latino-Américains, de quoi plaire aux détracteurs des Oscars (et déplaire à Donald Trump!).

Dans les points négatifs, notons la nouvelle chanson écrite pour Carly Rae Jepsen (Frenchy) qui sert d’introduction à « Beauty School Dropout » et qui n’amène absolument rien. Parlant de l’interprète de « Call Me Maybe », c’est probablement l’actrice la moins solide parmi les Pink Ladies. Aussi, je dois avouer que la scène de la course de voiture m’a beaucoup divertit, mais pas pour les bonnes raisons…  Autre point négatif : beaucoup de chansons ont été préenregistrées. À quelques reprises, on a remarqué un petit décalage entre la bouche des interprètes et le son qui est supposé en sortir. Par contre, Grease Live est une grosse machine en direct avec des centaines d’acteurs et danseurs et les risques de problèmes techniques doivent être minimisées. Dans cette optique, le préenregistrement me dérange moins.

Bien sûr, tout n’est pas parfait dans cette nouvelle version, mais Grease se veut une feel-good story sans prétention qui a comme seul et unique but de vous faire sourire et taper du pied. Dans cette optique, FOX a visé extrêmement juste!

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