Cri du cœur de la St-Jean

En tant que fan fini de comédies musicales, j’ai longtemps pensé que les Américains et les Britanniques étaient meilleurs que nous dans ce domaine. That’s it. Ils sont tout simplement meilleurs, ce qui explique qu’ils ont des œuvres originales qui sont ancrées dans leur culture. Je me répétais la même question : comment se fait-il que comme peuple québécois, on excelle en musique, en littérature, en cinéma et en théâtre, mais qu’en comédie musicale, on soit à côté de la track?

[ATTENTION! Je ne parle pas ici de reprises d’œuvres étrangères. Toute bonne culture de théâtre musical reprend et adapte les succès d’ailleurs. Les Britanniques ont importé A Chorus Line et Hamilton, les Américains ont repris Cats et Les Misérables, etc. Par contre, dans ces cultures développées en frais de comédies musicales, pour chaque importation, il doit y avoir cinq fois plus de créations originales! Au Québec, Juste Pour Rire et plusieurs autres compagnies de production font un travail formidable en adaptant des succès comme Hairspray, Grease ou Mary Poppins. C’est grand public, c’est pop, c’est (presque toujours) lucratif et c’est la meilleure façon d’intéresser un nouveau public à la comédie musicale. J’ai bien beau être le plus grand fan de ce qui se fait dans la marge, je ne suis pas aveugle. Je sais qu’on n’intéressera jamais un néophyte en lui présentant des œuvres comme Follies ou Murder Ballad! Moi le premier, je me suis mis à apprécier ces comédies musicales après avoir consommé tout ce qui existe dans le mainstream de Broadway.]

MAIS OÙ SONT LES CRÉATIONS QUÉBÉCOISES?
Qu’est-ce qu’on nous a offert en frais d’œuvres originales dans les deux dernières décennies?
Dracula?
Don Juan?
Roméo et Juliette?
En quoi ces œuvres s’inscrivent-elles dans la culture québécoise? Parce que des acteurs québécois faisaient partie de la distribution? Non. Y’avait des Québécois dans L’Opéra de Quat’s Sous au Trident ou au TNM et j’suis pas mal sûr que Kurt Weill permettrait pas qu’on dise que c’est une oeuvre québécoise… «Was zur Hölle ist Quebec?»

Il m’semble qu’avant d’aller chercher des histoires dans le folklore transylvanien, on pourrait explorer ce qui s’est passé ici? On a une histoire riche, non? La Nouvelle-France, la fondation de Québec, les patriotes, la conscription, etc. Pis des légendes, on en as-tu ou bien on en n’a pas? Imaginez La Chasse-galerie avec une trame sonore folk/bluegrass!

On a du théâtre québécois, on a de la musique québécoise, on a du cinéma québécois, on a de la littérature québécoise. A-t-on de la comédie musicale québécoise?
Je peux compter sur une main (auquel il manque un doigt) le nombre d’œuvres qui, à mon sens, s’inscrivent dans notre culture : Demain matin, Montréal m’attend, Belles Sœurs, Les Filles de Caleb… et une adaptation de Monica La Mitraille de Michel Conte en 1968 mettant en vedette une jeune Denise Filiatrault. (Pis tsé, on s’entend, j’suis allé chercher ça loin parce que j’ai jamais entendu la trame sonore et j’y vais à l’aveugle en me doutant qu’une pièce sur une criminelle montréalaise, ça s’inscrit dans notre culture…)

Après des années à me dire que la comédie musicale ne doit simplement pas faire partie de notre culture, j’ai décidé de changer mon fusil d’épaules. J’entends parler d’une multitude de microcompagnies de théâtre qui développent des projets. Le Segal Center de Montréal a développé quelques créations à travers le temps (y’ont bien beau faire ça en anglais, une comédie musicale faite par des Québécois, c’est une comédie musicale québécoise, qu’elle soit en français, en anglais, en mandarin ou en elfique!).

Et si le vrai problème n’était pas l’absence de comédies musicales québécoises, mais plutôt l’absence de festivals, de diffuseurs et de producteurs pour mettre ces œuvres-là en lumière? Et si la nouvelle génération d’artistes de théâtre musical qui gradue de Lionel-Groulx depuis une décennie développe des tas d’affaires, mais qu’il n’y a personne qui ose les produire? Ces artistes-là sont peut-être dans leur sous-sol à mettre leurs tripes sur une trame sonore et une histoire poignante, au lieu de faire la file dans un centre d’achat pour auditionner pour la 22e saison de Star Académie! Et si au moment où leur comédie musicale novatrice et touchante était prête à vivre sur une scène, toutes les portes se fermaient parce qu’ils n’ont pas 12 000 abonnées sur Instagram grâce à une performance d’un succès de Claude Dubois en quart de finale à La Voix?

Vous trouvez que je pose beaucoup de questions? Imaginez toutes celles que je me censure à écrire ici…

En cette Fête nationale du Québec, je nous souhaite donc des œuvres québécoises en théâtre musical, des artistes spécialisés en la matière qui se consacrent à cette forme d’art, des centaines de projets pour faire travailler tous ces triple-threats québécois et finalement, des producteurs qui osent casser le moule et miser sur des œuvres 100% québécoises!

Allez, bonne St-Jean!

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P.S. Parlez-moi pas des jukebox musicals. Que ce soit ici, à New York ou à Londres, tisser une comédie musicale avec des chansons populaires n’ayant de prime abord aucun fil conducteur, c’est pas une œuvre originale. Ça diminue en rien la qualité artistique, j’ai rien contre Le Blues d’la Métropole ou Mamma Mia!, mais en mon sens, ce n’est juste pas des comédies musicales originales.

P.S.2. On peut parler longtemps de Luc Plamondon, de Starmania et de Notre-Dame de Paris… Dans ma tête, ces deux œuvres se rapprochent davantage de l’opéra que de la comédie musicale. Et avec tout le respect que j’ai pour le célèbre parolier, ça s’inscrit difficilement dans la catégorie «théâtre musical québécois». Pas sûr que Quasimodo savait où trouver d’la bonne poutine!

P.S.3. Je pourrais adresser les mêmes questions à nos cousins français! Ils attachent le terme «comédie musicale» à tous ces spectacles musicaux avec un semblant d’histoire qui semblent davantage servir à propulser les carrières de chanteurs et chanteuses pop, plutôt que de réellement raconter une histoire. Je pourrais probablement compter sur une main (à laquelle il ne manque pas de doigt, cette fois) les comédies musicales françaises.

Mes prédictions : Tony Awards 2017

Le 11 juin prochain, c’est la grande messe du théâtre new-yorkais : les Tony Awards! Ce gala clôt la saison théâtrale 2016-2017 en remettant 24 prix d’importance. Avant d’aller plus loin, je vous propose un petit aperçu de la saison avec mon survol des pièces majeures et ma rétrospective des multiples remises de prix à New York.

Depuis que je m’intéresse aux comédies musicales et à Broadway, je m’amuse à faire mes prédictions, comme on le fait avant les séries éliminatoires au football ou au hockey! Alors qu’habituellement 50% de mes prédictions se confirment, l’an dernier je me suis surpris moi-même en donnant ma 2e meilleure performance à vie : 18 prédictions gagnantes sur 24!

Mes prédictions
Habituellement, les précédents galas sont de bons indicateurs pour les Tony Awards. Les productions qui remportent des prix aux Outer Critics Circle Awards et aux Drama Desk Awards sont souvent récompensés lors des Tony Awards. Cette année, il est plus difficile de suivre cette tendance parce que les nouvelles comédie musicale Dear Evan Hansen et Natasha, Pierre & the Great Comet of 1812, n’était pas éligible aux autres galas. En effet, puisque les pièces ont joué dans un théâtre de catégorie Off-Broadway lors de précédentes saisons, elles n’étaient pas éligibles cette années (il n’y a que les Tony Awards qui récompensent uniquement les productions de catégorie Broadway). C’est donc un défi supplémentaire qui attend les freaks comme moi qui font des prédictions!

*MISE À JOUR (14 juin 2017) : Quelle drôle de soirée! Non pas parce que j’ai seulement réussi 12 prédictions sur 24, mais parce que j’ai rarement été déçu d’une édition des Tony Awards! Contrairement aux critiques, j’ai apprécié l’animation de Kevin Spacey. Ce n’était pas du calibre de Neil Patrick Harris ou James Corden, mais il a su trouver le moyen d’être présent et pertinent, sans trop prendre le plancher et voler la vedette aux autres intervenants. Là où j’ai été déçu, c’est dans le choix des numéros musicaux présentés par les comédies musicales. Mis à part The Great Comet of 1812 et Bandstand, les productions sont passées complètement à côté d’une occasion en or d’accrocher le public et vendre des billets. Je vous le confirme : quatre minutes de performance aux Tony Awards coûte moins cher qu’un billboard dans Times Square et le retour sur investissement est faramineux. Il faut simplement présenter le bon numéro qui saura jeter le public à terre! Mon prix citron de la performance mal choisie va à Miss Saigon. Plutôt que d’y aller avec un numéro puissant comme «Bui Doi» ou un showstopper comme «The American Dream», les producteurs ont opté pour une séquence théâtrale ou le personnage principal tue le père de son enfant. Bref, le choix parfait (#not)! Au final, je prévoyais un rude combat entre The Great Comet of 1812 et Dear Evan Hansen, et c’est ce dernier qui a finalement eu le dessus en remportant les catégories principales.
(Ci-dessous : les gagnants sont identifiés d’un )

➨ = Prédiction

Meilleure comédie musicale
Come From Away
Dear Evan Hansen
Groundhog Day
Natasha, Pierre & The Great Comet of 1812

Meilleure pièce de théâtre
A Doll’s House, Part 2
Indecent
◆➨Oslo
Sweat

Meilleure reprise d’une comédie musicale
Falsettos
◆➨Hello, Dolly!
Miss Saigon

Meilleure reprise d’une pièce de théâtre
Jitney
The Little Foxes
Present Laughter
Six Degrees of Separation

Meilleur acteur dans une comédie musicale
Christian Borle (Falsettos)
Josh Groban (Natasha, Pierre & The Great Comet of 1812)
David Hyde Pierce (Hello, Dolly!)
Andy Karl (Groundhog Day)
◆➨Ben Platt (Dear Evan Hansen)

Meilleure actrice dans une comédie musicale
Denée Benton (Natasha, Pierre & The Great Comet of 1812)
Christine Ebersole (War Paint)
Patti LuPone (War Paint)
◆➨Bette Midler (Hello, Dolly!)
Eva Noblezada (Miss Saigon)

Meilleur acteur dans une pièce de théâtre
Denis Arndt (Heisenberg)
Chris Cooper (A Doll’s House, Part 2)
Corey Hawkins (Six Degrees of Separation)
◆➨Kevin Kline (Present Laughter)
Jefferson Mays (Oslo)

Meilleure actrice dans une pièce de théâtre
Cate Blanchett (The Present)
Jennifer Ehle (Oslo)
Sally Field (The Glass Menagerie)
➨Laura Linney (The Little Foxes)
◆Laurie Metcalf (A Doll’s House, Part 2)

Meilleur acteur de soutien dans une comédie musicale
◆➨Gavin Creel (Hello, Dolly!)
Mike Faist (Dear Evan Hansen)
Andrew Rannells (Falsettos)
Lucas Steele (Natasha, Pierre & The Great Comet of 1812)
Brandon Uranowitz (Falsettos)

Meilleure actrice de soutien dans une comédie musicale
Kate Baldwin (Hello, Dolly!)
◆Rachel Bay Jones (Dear Evan Hansen)
Stephanie J. Block (Falsettos)
➨Jenn Colella (Come From Away)
Mary Beth Peil (Anastasia)

Meilleur acteur de soutien dans une pièce de théâtre
◆Michael Aronov (Oslo)
➨Danny DeVito (The Price)
Nathan Lane (The Front Page)
Richard Thomas (The Little Foxes)
John Douglas Thompson (Jitney)

Meilleure actrice de soutien dans une pièce de théâtre
Johanna Day (Sweat)
Jayne Houdyshell (A Doll’s House, Part 2)
◆➨Cynthia Nixon (The Little Foxes)
Condola Rashad (A Doll’s House, Part 2)
Michelle Wilson (Sweat)

Meilleure musique d’une comédie musicale
Come From Away (David Hein and Irene Sankoff)
Dear Evan Hansen (Benj Pasek and Justin Paul)
Groundhog Day (Tim Minchin)
Natasha, Pierre & The Great Comet of 1812 (Dave Malloy)

Meilleur livret d’une comédie musicale
➨Come From Away (David Hein and Irene Sankoff)
Dear Evan Hansen (Steven Levenson)
Groundhog Day (Danny Rubin)
Natasha, Pierre & The Great Comet of 1812 (Dave Malloy)

Meilleure mise en scène dans une comédie musicale
◆Christopher Ashley (Come From Away)
➨Rachel Chavkin (Natasha, Pierre & The Great Comet of 1812)
Michael Greif (Dear Evan Hansen)
Matthew Warchus (Groundhog Day)
Jerry Zaks (Hello, Dolly!)

Meilleure mise en scène dans une pièce de théâtre
Sam Gold (A Doll’s House, Part 2)
➨Ruben Santiago-Hudson (Jitney)
Bartlett Sher (Oslo)
Daniel Sullivan (The Little Foxes)
◆Rebecca Taichman (Indecent)

Meilleures chorégraphies
◆➨Andy Blankenbuehler (Bandstand)
Peter Darling and Ellen Kane (Groundhog Day)
Kelly Devine (Come From Away)
Denis Jones (Holiday Inn)
Sam Pinkleton (Natasha, Pierre & The Great Comet of 1812)

Meilleures orchestrations
Bill Elliott and Greg Anthony Rassen (Bandstand)
Larry Hochman (Hello, Dolly!)
◆Alex Lacamoire (Dear Evan Hansen)
➨Dave Malloy (Natasha, Pierre & The Great Comet of 1812)

Meilleurs costumes dans une comédie musicale
Linda Cho (Anastasia)
Santo Loquasto (Hello, Dolly!)
◆Paloma Young (Natasha, Pierre & The Great Comet of 1812)
➨Catherine Zuber (War Paint)

Meilleurs costumes dans une pièce de théâtre
◆➨Jane Greenwood (The Little Foxes)
Susan Hilferty (Present Laughter)
Toni-Leslie James (Jitney)
David Zinn (A Doll’s House, Part 2)

Meilleurs décors dans une comédie musicale
Rob Howell (Groundhog Day)
David Korins (War Paint)
◆➨Mimi Lien (Natasha, Pierre & The Great Comet of 1812)
Santo Loquasto (Hello, Dolly!)

Meilleurs décors dans une pièce de théâtre
David Gallo (Jitney)
◆Nigel Hook (The Play That Goes Wrong)
Douglas W. Schmidt (The Front Page)
➨Michael Yeargan (Oslo)

Meilleurs éclairages dans une comédie musicale
Howell Binkley (Come From Away)
Natasha Katz (Hello, Dolly!)
◆➨Bradley King (Natasha, Pierre & The Great Comet of 1812)
Japhy Weideman (Dear Evan Hansen)

Meilleurs éclairages dans une pièce de théâtre
◆➨Christopher Akerlind (Indecent)
Jane Cox (Jitney)
Donald Holder (Oslo)
Jennifer Tipton (A Doll’s House, Part 2)

Tony-Awards

CRITIQUE : La La Land

Il y a eu les quatre saisons de Vivaldi. Maintenant, il y a les 5 saisons de Damien Chazelle : La La Land. Raconté en quatre actes successifs et un cinquième plusieurs années plus tard, le long-métrage est déjà un chef-d’oeuvre, à quelques semaines d’être couronné à la cérémonie des Oscars. Oubliez les comédies musicales adaptées au grand écran ou les films musicaux où chaque envolée chantée vous fait grincer des dents!* La La Land ne peut tout simplement pas être comparé avec ce qui a été fait par le passé.

*Ne le prenez pas mal. J’ai beau être un adepte de Broadway au point de frôler
la maladie mentale, les adaptations cinématographiques du genre me laissent
habituellement un goût amer à la bouche (excluez les récents
Into the Woods
et Les Misérables à cette dernière phrase!)

Il est tout simplement impossible de trouver les mots justes pour décrire le long-métrage de l’auteur et réalisateur Damien Chazelle. Est-ce un hommage aux belles années du jazz? Est-ce un voyage dans le temps au beau milieu du Los Angeles des années 1940? Est-ce le regard de deux artistes nostalgiques sur notre époque contemporaine? La réponse est simple : La La Land est à la fois tout ça et rien de tout ça. C’est un hommage sans aucune intention d’être une reconstitution historique. C’est un voyage dans le temps davantage nostalgique que réaliste. Ce sont une foule de petits clins d’œil au passé sans aucun souci de chronologie. Et tout ça, dans une histoire qui se déroule hier, aujourd’hui ou peut-être demain!

La réalisation de Chazelle nous coupe le souffle dans ses moments les plus contemplatifs, et nous ramène aussitôt les deux pieds sur Terre dans son réalisme et ses petits irritants du quotidien. Une magnifique séquence dansée et chantée s’estompe et au moment où on a envie d’applaudir comme si l’on était assis dans un théâtre de Broadway, un système d’alarme se fait entendre. Une montée dramatique vers un premier baiser dans une salle de cinéma vintage est interrompue par un problème technique du projecteur. Un silence amoureux rempli de sous-entendus est brisé par un texto entrant.

La direction artistique globale est tout simplement impeccable. Les prises de vue sont magnifiques, les effets spéciaux sont bien amenés, les envolées artistiques (et chorégraphiques!) sont contrôlées et l’utilisation des éclairages est d’une très grande théâtralité. Ajoutez à cela des plans-séquences complexes et des scènes intimes tout en simplicité et vous avez un long-métrage où feux d’artifice et long fleuve tranquille ne font qu’un.

Chazelle a réussi un coup de maître : mettre le plus possible de clichés cinématographiques dans un même film, sans jamais nous donner envie de rouler les yeux. Ces procédés stylistiques sont pleinement assumés et ajoutent au côté « hommage » de l’oeuvre. Ces répliques préfabriquées et surutilisées à Hollywood depuis l’époque de James Dean et Vivien Leigh prennent soudainement tout leur sens et cadrent parfaitement dans l’ambiance créée par le prolifique réalisateur et scénariste de 32 ans.

Les nombreuses scènes à la fois esthétiques et réalistes sont autant d’hommages à l’âge d’or d’Hollywood que de références à des créateurs modernes. Et pour clore ces 120 minutes de pur bonheur? Une boucle scénaristique bouclée magnifiquement avec une séquence à vous couper le souffle. Une fin parfaitement imparfaite qui vient placer l’oeuvre de Chazelle dans la marge des films musicaux auxquels Disney et tous les autres nous ont habitués.

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Après ces six paragraphes d’éloges, vous êtes maintenant convaincu que les producteurs du film m’ont offert des pots-de-vin en échange d’une critique parfaite? Détrompez-vous, je n’ai pas tout aimé! Par exemple, le numéro chorégraphique qui fait office d’ouverture m’a fait un peu peur. Suis-je assis devant la suite de Mamma Mia! où les quais d’une île grecque ont été remplacés par une bretelle d’autoroute californienne? Heureusement pour moi, une fois cette première chanson terminée, j’ai tout de suite oublié ce douloureux souvenir de Pierce Brosnan et Amanda Seyfried qui chantent les succès d’Abba et j’ai sauté à pieds joints dans l’univers créé par Damien Chazelle. D’autres points négatifs? Et bien non!

Côté interprétation, il n’y a pas de doutes qu’Emma Stone et Ryan Gosling sont nés pour les rôles de Mia et Sebastian. Depuis ses touts débuts au grand écran, Stone a des airs de star hollywoodienne de la belle époque. Son jeu est tout en nuance et sa voix est d’une solidité surprenante (merci à ses 14 semaines passées à jouer Sally dans Cabaret sur Broadway en 2015 à raison de 8 représentations par semaine). La scène où elle interprète la chanson nominée aux Oscars « Audition (The Fools Who Dream) » vaut le déplacement à elle seule! De son côté, Gosling joue son personnage complexe toute en subtilité et sa voix chantée est surprenante. Il n’a pas la solidité de sa partenaire à l’écran, mais le personnage de Sebastian ne pourrait tout simplement pas être interprété par un exubérant ténor. Au-delà des deux têtes d’affiche, la distribution qui les entoure est judicieusement choisie. J’ai adoré la présence de John Legend dans le rôle d’un ambitieux chanteur jazz et l’utilisation « clin d’oeil » de J.K. Simmons, qui avait remporté un Oscar d’interprétation pour le dernier film de Chazelle, Whiplash.

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La trame sonore signée par Justin Hurwitz est un chef-d’oeuvre d’une authenticité déconcertante. Pour un compositeur d’à peine 30 ans, l’artiste a une maîtrise complète des époques et des styles auxquels il rend hommage. Pour son travail sur La La Land, il est nominé pour trois Oscars, l’un pour sa trame sonore et les deux autres pour deux chansons individuelles. En tant que fan de comédie musicale, j’étais particulièrement fier de voir les noms de Benj Pasek et Justin Paul au générique, eux qui signent les paroles. Ces derniers oeuvrent depuis quelques années sur Broadway et connaissent présentement un succès monstre avec leur dernière création : Dear Evan Hansen.

En conclusion, je peux vous dire que je me suis assis dans la salle de cinéma en ayant des attentes grimpées jusqu’au plafond. Les critiques unanimes, la pluie de trophées aux Golden Globes et les 14 nominations aux Oscars n’aident pas à faire descendre les attentes. Pourtant, en ayant cet ouragan de commentaires positifs en tête, La La Land m’a tout de même jeté par terre. C’est peu dire pour exprimer toute la beauté et toute l’intelligence de ce long-métrage. Je vous le dis, courez voir La La Land. NON, mieux encore : dansez voir La La Land.

CRITIQUE : The Hamilton Mixtape

Ce n’est plus un secret pour personne, la comédie musicale Hamilton est une révolution, encore aujourd’hui, près de deux ans après ses débuts à New York! Le génie derrière l’œuvre, Lin-Manuel Miranda, est passé de «talentueux compositeur de Broadway» à «génie créatif le plus en demande aux États-Unis». En quelques mois, il a remporté deux Tony Awards, a écrit un excellent livre sur la création d’Hamilton, a réussi à faire changer d’idée le Département du Trésor des États-Unis qui voulait retirer Alexander Hamilton du billet de 10$, a mis la main sur le prestigieux prix Pulitzer, a écrit la musique du nouveau film de Disney Moana, a signé pour jouer dans le long-métrage Mary Poppins Returns aux côtés d’Emily Blunt, a animé une édition record de Saturday Night Live et a préparé les productions à venir d’Hamilton à Chicago, Londres et San Francisco. Bref, le gars ne dort pas  😉

Parmi tous ses projets post-Hamilton, Lin-Manuel Miranda a lancé l’album The Hamilton Mixtape, dont le volume 2 serait déjà en production. Le concept est simple : l’album regroupe des reprises de chansons de la comédie musicale et des pièces inspirées de l’œuvre, le tout interprété par une brochette d’artistes 5 étoiles : Usher, Sia, John Legend, Queen Latifah, Kelly Clarkson, Jimmy Fallon, The Roots, Wiz Khalifa, Alicia Keys, Nas, Ashanti, Ja Rule et plusieurs autres.

Pour la petite histoire, Lin-Manuel Miranda avait d’abord eu l’idée d’écrire un album de rap inspiré du père fondateur Alexander Hamilton intitulé The Hamilton Mixtape. À force d’écrire, le projet d’album est devenu une comédie musicale et le reste est entré dans l’histoire. The Hamilton Mixtape, qui paraît 18 mois après les débuts de l’œuvre sur Broadway, est donc un retour à l’idée originale de son créateur.

Maintenant, la grande question : l’album est-il bon? TOUT À FAIT! Par contre, si vous voulez comprendre l’engouement autour d’Hamilton, la trame sonore de Broadway est l’album qu’il vous faut. Les performances des acteurs originaux de Broadway sont profondément senties et ceux-ci ont une maîtrise parfaite de leur personnage, des chansons, des intentions, etc. Pensez-y : lors de l’enregistrement du «Original Broadway Cast Recording», les acteurs new-yorkais avaient déjà donné plus d’une centaine de représentations de la comédie musicale!

Du côté du Hamilton Mixtape, on ne retrouve pas ces performances intenses d’acteurs qui interprètent des personnages. Par contre, on retrouve des artistes musicaux qui ont une maîtrise parfaite de leur art. Que ce soit par le rap ou le chant, on ne peut nier que nous sommes en présence d’interprètes de haut calibre!

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De plus, même si l’album de Broadway révolutionnait la façon d’enregistrer et de produire une trame sonore pour une comédie musicale (Hamilton a facilement remporté le Grammy for Best Musical Theater Album), The Hamilton Mixtape met la barre encore plus haute. Le producteur et musicien Questlove (du groupe The Roots) et Lin-Manuel Miranda avaient réalisé l’album de Broadway et répètent leur travail pour le Mixtape. L’absence des contraintes de production d’une trame sonore de comédie musicale leur donne une liberté immense. Pour produire un bon cast recording, les réalisateurs de l’album tentent de recréer la magie qui opère sur scène soir après soir, sur un album. Dans le cas de l’album d’Hamilton, c’est très réussi! Avec The Hamilton Mixtape, les barrières tombent et les deux artistes ont réalisé un album complètement éclaté. On est complètement à l’opposé d’une trame sonore uniforme, chaque chanson ayant sa propre couleur unique.

Quand on est fan d’Hamilton comme je le suis, la première écoute des réinterprétations du Hamilton Mixtape est difficile à apprécier. On est habitué à l’enchaînement naturel des chansons, à l’esthétisme sonore uniforme et aux interprétations des acteurs originaux. Par contre, quand on se rappelle que le Mixtape n’est en fait qu’un collage inspiré de la comédie musicale, on apprécie davantage. Si l’album de Broadway permet de comprendre toutes les subtilités de l’histoire et de ses personnages complexes, le Mixtape permet plutôt d’apprécier le génie musical et mélodique des chansons.

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Mes coups de cœur?
Tout d’abord, je ne peux passer sous silence les deux démos de l’auteur-compositeur Lin-Manuel Miranda, qui sont en fait deux chansons écrites pour la comédie musicale qui n’ont pas été retenues au final. Quand on connaît bien la pièce, on peut s’imaginer l’emplacement et la pertinence des chansons « Valley Forge » et « Cabinet Battle #3 ». Une troisième chanson coupée d’Hamilton intitulée « Congratulations » fait également partie du Mixtape, interprétée avec brio par la rappeuse Dessa.

Personnellement, parmi toutes les reprises de chansons de la comédie musicale qui font partie du Mixtape «Satisfied» de Sia (avec Miguel & Queen Latifah) et «History Has Its Eyes on You» de John Legend se démarquent. Les interprètes aux voix exceptionnelles saisissent parfaitement l’état d’esprit des personnages et offrent des performances uniques et senties. Parlant de reprise, le duo « Helpless » d’Ashanti et Ja Rule semble tout droit sorti du début des années 2000 et fera sourire ceux qui ont connu cette époque ou les duos R&B/Hip Hop avaient la cote.

Mon plus gros coup de cœur est définitivement « You’ll Be Back » interprétée par l’humoriste et animateur Jimmy Fallon. Lin-Manuel Miranda n’a jamais caché l’influence de la britpop des années 60 dans les trois chansons du seul personnage britannique de l’œuvre, le roi George III. Dans la version du Mixtape, on se croit au beau milieu de l’océan dans le Yellow Submarine de Paul, John, George et Ringo. Les sonorités beatlesques sont pleinement assumées, ce qui fait de « You’ll Be Back » l’un des meilleurs morceaux de l’album.

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Finalement, je me dois de lever mon chapeau aux chansons originales inspirées d’Hamilton qui se retrouvent sur l’album. Plusieurs artistes, plutôt que de faire une reprise de la comédie musicale, ont créé des pièces originales. La chanson «Immigrants (We Get The Job Done)» de K’NAAN, Snow Tha Product, Riz MC et Residente, inspirée d’une ligne humoristique chantée à la fin de l’Acte 1, est excellente. La chanson est porteuse d’une grande rage et est d’une grande résonnance, surtout à l’aube de l’ère anti-immigration que le Président élu Trump promet.

 

Et mes coups de gueule?
Comme mentionné précédemment, plusieurs chansons du Mixtape sont des reprises de chansons de la comédie musicale. Si Kelly Clarkson, Sia et John Legend ont réussi à se réapproprier certaines pièces, d’autres artistes comme Regina Spektor et Andrea Day ont échoué à la tâche. Leur interprétation de « Dear Theadosia » et « Burn » ne sont pas mauvaises, mais ces nouvelles versions ne sont que de pâles copies des versions originales de Broadway. Spektor et Day n’amènent absolument rien de nouveau, se contentant simplement d’imiter les interprètes originaux.

J’avais de grandes attentes pour les chansons de Wiz Khalifa et Alicia Keys sur le Mixtape. Je ne peux pas dire que j’ai été déçu, mais je ne peux pas dire que j’ai été surpris ou impressionné. « That Would Be Enough » met en valeur la magnifique voix d’Alicia Keys, mais elle n’a rien amené de nouveau à la pièce. Wiz Khalifa, de son côté, offre une performance sans artifices avec « Washingtons By Your Side ». Dans les deux cas, je suis resté sur ma faim et je considère que ces deux morceaux ne ressortent pas du tout du lot…

 

En conclusion
Pas de doute, le Hamilton Mixtape était très attendu par les nombreux fans de la comédie musicale la plus en demande sur Broadway. L’album est de très haut niveau et devrait connaître un succès populaire d’importance. Il faut rappeler que la trame sonore de la production de Broadway avait fracassé tous les records de vente pour un album de comédie musicale, vendant plus de deux millions de copies.

La question qui tue : le Hamilton Mixtape est-il supérieur à la trame sonore originale? Non. En fait, il est très difficile de comparer les deux albums. Pour un fan de comédie musicale, le Mixtape est un complément amusant au Broadway Cast Recording. Pour un fan hip hop, le Mixtape est une introduction en douceur au monde de la comédie musicale et à l’engouement monstre entourant Hamilton.

En attendant une série de représentations en sol canadien ou une adaptation cinématographique, le Mixtape est un bonbon supplémentaire pour les milliers de fans d’Hamilton qui attendent encore et toujours de réussir à voir la production de Broadway sans avoir à réhypothéquer leur maison  😉

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Coup d’oeil sur la saison 2016-2017

Sur Broadway, la saison théâtrale est définie par les dates importantes imposées par le gala le plus prestigieux : les Tony Awards. Comme à Hollywood où la fin d’une saison est la date limite d’éligibilité aux Oscars, à New York c’est le 1er mai qui fait office de date butoir. C’est donc dire qu’une production théâtrale qui ouvre sur Broadway le 2 mai 2016 ne sera pas éligible aux Tony Awards de 2016, mais plutôt à ceux de 2017.

L’an dernier, les 5 productions dont je vous ai parlé en vue de la saison 2015-2016 n’ont pas toutes connu un grand succès. Dans une saison fortement dominée par Hamilton et ses 11 Tony Awards (#1 sur ma liste), d’excellentes œuvres comme Allegiance (#5) et American Psycho (#2) ont fermé prématurément alors que d’autres comme She Loves Me (#4) et School of Rock (#3) ont tout de même réussi à trouver une audience.

Voici donc les 5 comédies musicales à surveiller pour la saison 2016-2017 :

5) AMÉLIE
Vous vous rappelez du long-métrage Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain réalisé par Jean-Pierre Jeunet et qui a projeté l’actrice Audrey Tautou au rang de superstar internationale? C’est l’auteur Craig Lucas à qui l’on doit la formidable comédie musicale The Light in the Piazza qui a eu l’idée d’adapter le film pour Broadway. La première production a eu lieu à Berkeley en Californie avec en tête d’affiche Samantha Barks, l’actrice britannique qu’on a connue grâce au film Les Misérables. Dix-huit mois de réécriture plus tard, la comédie musicale est fin prête pour sa grande première sur Broadway. Cette fois-ci, c’est Phillipa Soo, qu’on a découvert dans Hamilton, qui tiendra le rôle de l’excentrique Amélie. La production verra le jour en mars 2017 au Walter Kerr Theatre.

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4) FALSETTOS
Seul revival de mon palmarès, Falsettos est une reprise de l’œuvre en deux parties de James Lapine et William Finn qui a d’abord vu le jour Off-Broadway dans les années 80. En effet, les deux courtes comédies musicales March of the Falsettos et Falsettoland ont successivement pris l’affiche du Playwrights Horizons en 1981 et 1990. Quand est venu le temps de déménager l’œuvre sur Broadway, les auteurs ont décidé de fusionner les deux pièces pour créer Falsettos, paru en 1992. La comédie musicale raconte la vie de Marvin, un père de famille récemment divorcé qui tente désespérément de retrouver une vie familiale standard avec son fils Jason, son ex-femme Trina et son nouvel amour, un homme appelé Whizzer. Situé au tournant des années 80 à New York, Falsettos est une œuvre touchante qui, aux côtés des pièces Angels in America et Torch Song Trilogy à la même époque, a donné une voix forte aux homosexuels dans le paysage culturel américain. La distribution toutes étoiles compte sur Christian Borle (Something Rotten!), Andrew Rannells (The Book of Mormon), Stephanie J. Block (Wicked), Tracie Thoms (Rent) et Betsie Wolfe (The Last Five Years) pour faire briller cette œuvre phare du théâtre américain contemporain.

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3) CHARLIE AND THE CHOCOLATE FACTORY
Le livre de Roald Dahl est un classique de la littérature, le film avec Gene Wilder est un succès culte et le long-métrage avec Johnny Depp est un incontournable. Avec une feuille de route semblable, personne n’était surpris lorsque les auteurs-compositeurs Marc Shaiman et Scott Wittman, à qui l’on doit Hairspray et Bombshell, ont annoncé qu’ils travaillaient sur une adaptation théâtrale de l’œuvre! Le succès était garanti et c’est exactement ce qui s’est produit lorsque la comédie musicale a ouvert ses portes à Londres en 2013. Les critiques ont été très mitigées et la production a remporté peu de prix, mais le public était au rendez-vous si bien que le spectacle a tenu l’affiche pendant près de quatre ans. Les producteurs savent cependant que sur Broadway, une adaptation d’un livre populaire n’est pas garant d’un succès et c’est pourquoi ils ont changé l’équipe de création pour amener l’œuvre à New York. Shaiman et Wittman ont retravaillé leur pièce tout en s’entourant de collaborateurs de longue date avec qui ils ont connu du succès par le passé. C’est donc Jack O’Brien (Hairspray, Catch Me If You Can) qui reprend la mise en scène avec Joshua Bergasse (Smash) aux chorégraphies et Christian Borle (Smash) dans le coloré rôle de Willy Wonka. Le 23 avril prochain, tous les yeux seront rivés sur la nouvelle mouture de Charlie and the Chocolate Factory qui prendra l’affiche du Lunt-Fontanne avec la promesse de ses producteurs d’être un succès monstre!

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2) NATASHA, PIERRE & THE GREAT COMET OF 1812
Le chanteur Josh Groban flirt avec Broadway depuis plus d’une décennie, ayant participé à de nombreux concerts-bénéfices et lançant en 2015 l’album Stages composé exclusivement de chansons de comédie musicale. Depuis quelques années, les rumeurs s’intensifient, certaines l’envoyant tenir le rôle-titre dans The Phantom of the Opera et d’autres le plaçant en tête d’affiche d’un revival de Company ou Chess. À l’automne 2016, le baryton à la voix puissante fera enfin ses débuts sur Broadway, mais dans une œuvre complètement originale et éclatée nommée Natasha, Pierre & The Great Comet of 1812. La comédie musicale basée sur le livre Guerre et Paie de Leo Tolstoy bénéficie d’une trame sonore unique de Dave Malloy, mélangeant des sonorités d’ancien folk russe à de l’indie rock et de l’électro-dance. L’œuvre « ovni » a frappé fort dès sa première production à New York en 2012, loin du district des théâtres. En effet, un chapiteau a été érigé en plein Meatpacking District pour abriter la reproduction d’un ancien restaurant clandestin russe où le public s’assoit pour apprécier le spectacle qui se déroule autour d’eux. Dès la sortie des premières critiques, de nombreux producteurs se sont montrés intéressés à amener l’œuvre sur Broadway. À ce moment, la question qui était sur toutes les lèvres était la suivante : comment peut-on transposer cette ambiance unique et disjonctée dans un théâtre conventionnel? La réponse est simple, mais peu abordable : prendre un théâtre conventionnel et le rénover complètement pour reproduire l’intérieur du chapiteau! Après plusieurs mois de travaux, l’Imperial Theatre de la 45e Rue est fin prêt à recevoir cette nouvelle comédie musicale révolutionnaire. Reste à voir si le public conservateur de Broadway saura apprécier cette histoire unique aux sonorités contemporaines.

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1) DEAR EVAN HANSEN
Dans une saison haute en couleurs où Disney produira Anastasia, où Cameron Mackintosh ramènera Miss Saigon et où Bette Midler tiendra le rôle-titre dans un revival d’Hello Dolly!, je choisis d’écarter ces trois mégaproductions de ma liste pour laisser la place à une œuvre intimiste et artistiquement forte. Dear Evan Hansen, du jeune duo d’auteurs-compositeurs Pasek & Paul a frappé fort à son arrivée à New York l’an dernier, dans un petit théâtre de catégorie Off-Broadway. Comme l’a démontré Fun Home en 2015, c’est rarement la somme d’argent investie dans un spectacle qui garantit un succès, mais plutôt la qualité de ce dernier. Je ne dis pas ici qu’Anastasia, Miss Saigon et Hello Dolly! ne seront pas des productions de qualité, mais quand on enlève les décors titanesques et les costumes exubérants, une œuvre comme Dear Evan Hansen se démarque par son humanité et sa véracité. L’histoire commence après le suicide de Connor, un adolescent dans la classe d’Evan Hansen. Bien que les deux jeunes n’étaient pas amis, ce dernier décide d’arrêter d’être invisible aux yeux de tous et fait croire aux parents du défunt qu’il était son meilleur ami. Evan aide donc la famille de Connor à faire leur deuil, produisant de faux courriels pour supporter son mensonge et tombant tranquillement amoureux de la sœur du défunt. Combien de temps Evan, qui a enfin trouvé une utilité à sa vie, réussira-t-il à tenir son mensonge? Là est la question! Avec à sa barre le metteur en scène Michael Greif, un artiste respecté qui a fait sa marque en dirigeant des œuvres humaines et touchantes comme Rent et Next to Normal, la comédie musicale aux sonorités contemporaines et rock charmera assurément les foules, les critiques ainsi que les voteurs de Tony Awards. Le jeune acteur Ben Platt (Pitch Perfect, The Book of Mormon) tient le demandant rôle-titre dans une distribution bondée de vétérans de la scène new-yorkaise. C’est une promesse, vous entendrez souvent Dear Evan Hansen lors des Tony Awards de juin 2017!

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*Je tiens à conclure ce billet en vous parlant d’un fait inusité qui pourrait se produire cette année. L’excellent acteur Christian Borle tiendra le rôle principal masculin dans Falsettos cet automne, pour ensuite interpréter Willie Wonka dans Charlie and the Chocolate Factory au printemps. Borle pourrait donc devenir le premier acteur de l’histoire des Tony Awards a être nominé deux fois dans la même catégorie : Best Actor in a Leading Role in a Musical. Il est arrivé par le passé qu’un interprète soit nominé deux fois, mais c’était dans deux catégories différentes (en 2014, Mark Rylance avait réussi l’exploit). Lors de l’annonce des nominations pour les 71e Tony Awards, Christian Borle pourrait donc se retrouver en compétition… contre lui-même! Rappelons que l’acteur a déjà remporté deux statuettes, pour Peter and the Starcatcher (2012) et Something Rotten! (2015).

À New York en mai dernier, j’ai croisé Christian Borle à Shubert Alley et j’ai eu la chance de discuter avec lui à propos de la grosse saison théâtrale qui l’attendait! christian-borle

CRITIQUE : American Psycho sur Broadway

À l’écriture de ces lignes, la comédie musicale American Psycho a déjà fermé ses portes sur Broadway après une courte série de représentations qui n’aura duré qu’à peine deux mois. La production a eu de la difficulté à rejoindre un large public, les critiques mitigées et le peu de nominations aux Tony Awards n’aidant pas à créer un buzz

Certes, j’ai passé une excellente soirée au Gerald Schoenfeld Theatre le dimanche 22 mai dernier! Il faut dire que je m’intéresse au développement de l’œuvre depuis plus de quatre années, ayant adoré le film de 2000 avec Christian Bale. J’avais même participé à la campagne Kickstarter de la production de Londres où les producteurs s’étaient tournés vers la célèbre plateforme de sociofinancement pour soulever les fonds nécessaires afin d’avoir de vrais musiciens plutôt que des trames sonores. Dès les premières rumeurs de développement de ce projet, je pouvais m’imaginer l’esprit tordu du protagoniste Patrick Bateman se matérialiser sur scène dans un univers éclaté qui est en quelque sorte le point de rencontre (s’il y en a un) entre Sweeney Todd et la musique de Phil Collins.

Bref, revenons à la base : American Psycho est basée sur le controversé livre de Bret Easton Ellis qui raconte la vie mouvementée de Patrick Bateman, un jeune banquier matérialiste de Wall Street à la fin des années 80 qui a deux passions : la musique pop et la mutilation de jeunes femmes. Son monde bascule à l’aube de ses 27 ans alors qu’un de ses collègues, Paul Owen, décroche un gros client qu’il convoitait. S’en suit une psychose sanglante où s’alternent les bains de sang, les orgies, la consommation de cocaïne et « Power of Love » de Huey Lewis. Comprenez-vous pourquoi je vous disais que le spectacle a eu de la difficulté à trouver une audience sur Broadway? À travers Wicked, The Lion King et Aladdin, American Psycho est un ovni avant-gardiste qui aurait probablement eu plus de succès dans un petit théâtre Off-Broadway.

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C’est l’auteur-compositeur Duncan Sheik, à qui l’ont doit la comédie musicale Spring Awakening et le succès « Barely Breathing » paru en 1996, qui signe la musique de l’œuvre. L’artiste a composé une vingtaine de chansons électropop qui semblent tout droit sorties des années 80. De ce fait, les musiciens ont troqué les cordes et les cuivres qu’on voit habituellement sur Broadway pour des synthétiseurs et une batterie électronique. Et comme le personnage principal est obsédé par la musique pop de l’époque, Sheik a intégré quelques succès de l’époque à sa trame sonore, de manière ingénieuse et subtile. Mentionnons « In The Air Tonight » de Phil Collins en chœur et a cappella! À mon goût personnel, American Psycho est l’une des meilleures trames sonores de comédie musicale des dernières années.

Côté livret et dialogues, l’auteur Roberto Aguirre-Sacasa a réussi là où Mary Harron et Guinevere Turner avaient échoué avec le film paru en 2000 : humaniser Patrick Bateman. Il est trop facile de tomber dans le panneau et de présenter le jeune banquier comme fondamentalement méchant. Il doit y avoir une raison derrière cette méchanceté, une explication valable qui permet au public de tout de même s’attacher au protagoniste. Derrière son égocentrisme et ses envies meurtrières, Patrick Bateman est un être seul et en manque de confiance. Est-ce que cela justifie les meurtres en série? Non. Par contre, ça permet aux spectateurs de s’intéresser au sort du personnage plutôt que de le catégoriser comme un simple méchant et se foutre éperdument de ce qui lui arrivera. Pour le reste, Aguirre-Sacasa a réussi à injecter une bonne dose d’humour grinçante à American Psycho, ce qui allège le tout.

Benjamin Walker est affilié au rôle de Patrick Bateman depuis 2011, année où il jouait le rôle-titre de la comédie musicale Bloody Bloody Andrew Jackson. Soucieux d’une constance dans sa carrière, la rumeur veut que Walker n’accepte seulement des rôles où le sang est proéminent! Blague à part, Walker fait vivre sur scène ce personnage tordu avec humanisme et cynisme, ne quittant pratiquement jamais la scène. Le spectacle repose sur ses épaules et l’acteur relève le défi avec brio. Je ne comprends toujours pas comment les voteurs des Tony Awards ont pu l’écarter de la course au meilleur acteur dans une comédie musicale… L’ensemble des personnages qui entourent Bateman, de ses collègues banquiers matérialistes à ses multiples conquêtes féminines (et futurs trophées de chasse), sont tous joués avec justesse par un groupe d’interprètes talentueux et dans une forme physique exceptionnelle! Comme l’histoire se déroule dans les années 80, à l’ère des vidéos d’entraînement de Jane Fonda, les multiples personnages ont tous une obsession pour leur corps. De ce fait, il y a probablement davantage de « six-pack » dans American Psycho que dans une boutique Abercrombie & Fitch. Je serais curieux de voir l’appel d’auditions en détail : « Obligatoire : fortes aptitudes en danse, technique vocale impeccable et six-pack découpé. Avoir été mannequin pour Victoria Secret est un atout ».

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Pour le reste, Jennifer Damiano, que l’on connaît pour ses performances dans Next to Normal et Spider-Man, offre une performance touchante et sentie dans le rôle de Jean, alors que Drew Moerlein joue avec justesse et humour le banquier Paul Owen, qui est l’objet de l’obsession et de la jalousie de Bateman.

Le metteur en scène britannique Rupert Goold a fait un travail formidable avec American Psycho, créant un univers unique à l’aide d’un décor à angle qui donne un effet de profondeur saisissant et des planchers pivotants qui sont utilisés à outrance dans le spectacle. De manière ingénieuse, Goold crée une suite troublante de tableaux, tantôt réalistes et tantôt imaginatifs, de l’appartement de Patrick aux ruelles de Manhattan, d’une journée à la plage à une montagne de corps ensanglantés. Les transitions se font rapidement et subtilement, empêchant la présence de temps morts. Mon coup de cœur? La scène finale du premier acte, où l’on descend un rideau de plastique pour protéger la foule des multiples jets de sang, le tout au rythme de « Hip to Be Square » de Huey Lewis and The News.

À la mise en scène s’ajoutent les chorégraphies contemporaines de Lynne Page, qui divertissent dans le premier acte et qui troublent dans le deuxième. Loin du souci de faire de belles chorégraphies pour impressionner les spectateurs, celles-ci sont plutôt au service de l’histoire, illustrant merveilleusement bien les personnages torturés et complexes que sont Bateman et sa bande.

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Côté scénographie, ce sont les éclairages et les projections qui volent le spectacle. Les décors d’un blanc immaculé à l’image des tendances épurées des années 80 servent de canevas pour Finn Ross, le concepteur vidéo qui crée des univers à la fois dynamiques et dramatiques. Avec American Psycho, la technologie est au service de l’histoire, tant dans l’intégration de plaques tournantes au décor que dans les éclairages violents de Justin Townsend. Côté design sonore, je n’ai personnellement jamais entendu sur Broadway une balance de son plus forte que celle d’American Psycho. La lourde basse vient vous frapper de plein fouet comme dans un concert rock et les synthétiseurs aigus résonnent avec puissance dans vos oreilles, aidant à créer l’univers de Patrick Bateman. Les costumes parfois épurés, parfois colorés de Katrina Lindsay servent très bien l’histoire, nous rappelant la mode particulière des années 80.

Bref, comme vous pouvez le constater, j’ai passé une excellente soirée et je considère American Psycho dans le top-5 des productions que j’ai vues sur Broadway. Dans l’avenir, est-ce qu’on parlera d’un flop pour qualifier la production? Tout à fait! Dans l’avenir, dira-t-on qu’American Psycho était artistiquement pauvre et que l’œuvre est à oublier? Pas du tout! À travers les années, bon nombre d’excellentes comédies musicales ont échoué sur Broadway. Certains attribuent la fermeture prématurée de l’œuvre au succès monstre que connaît la comédie musicale Hamilton. Personnellement, je ne suis pas d’accord. Le succès d’une œuvre ne peut pas expliquer l’échec d’une autre. À mes yeux, American Psycho n’était tout simplement pas faite pour Broadway. L’œuvre est trop controversée, trop expressionniste et trop sanglante pour être un succès commercial et vendre 10 000 billets hebdomadairement. Pour avoir du succès sur Broadway, il faut avoir du contenu de qualité, mais il faut également rejoindre un large public. Sinon, comment voulez-vous vendre 1 500 sièges à raison de huit représentations par semaine pendant des mois et des mois? American Psycho a fait un tabac lors de sa sortie à Londres en 2013, mais il faut savoir que l’Almeida Theatre où l’œuvre tenait l’affiche ne contient que 325 sièges, comparable à un théâtre new-yorkais de catégorie Off-Broadway. Si la comédie musicale de Duncan Sheik avait ouvert ses portes au New York Theatre Workshop, au Public Theater ou au Second Stage Theatre, l’œuvre aurait certainement été un vif succès. Bref, tout est une question de choix et selon moi, la plus grande faiblesse d’American Psycho a été la décision de ses producteurs de sauter quelques étapes et de se lancer directement sur Broadway. Mais pouvons-nous réellement en vouloir à Patrick Bateman de choisir le prestige et la luxure de Broadway plutôt que l’intimité et l’humilité d’une salle Off-Broadway?

Au-delà de tout ça, l’œuvre continuera à vivre par le biais de sa trame sonore parue cette année ainsi que par ses multiples productions qui verront le jour dans le futur. Si vous avez l’occasion de voir American Psycho, sautez sur l’opportunité, mais n’oubliez pas votre imperméable… 😉

CRITIQUE : School of Rock sur Broadway

Vous vous rappelez du film L’École du Rock qui mettait en vedette Jack Black et qui racontait l’histoire d’un musicien raté qui apprenait à des élèves du primaire à jouer du rock ‘n’ roll? Et bien sachez que School of Rock The Musical est l’adaptation théâtrale de ce long-métrage paru en 2003.

Je vous remets dans le contexte de cette journée du 21 mai dernier : je suis en file au kiosque TKTS et je vois défiler sur un grand panneau lumineux toutes les comédies musicales et pièces de théâtre disponibles à rabais. Pour une des rares fois dans ma vie où je n’attends pas mon tour en sachant exactement ce que je veux voir, je me laisse tenter parce ce que me propose l’écran rouge. Au final, j’hésite entre deux spectacles : The Curious Incident of a Dog in the Night-time, la pièce de théâtre dramatique et éclatée qui a tout raflé aux Tony Awards l’an dernier, et School of Rock, une nouvelle œuvre d’Andrew Lloyd Webber adaptée d’un film que j’avais beaucoup aimé. Le point tournant de ma décision? J’avais envie de rire! J’avais déjà mes billets pour deux comédies musicales dramatiques le lendemain, alors j’avais envie d’un spectacle où j’allais rire. Je venais donc d’éliminer The Curious Incident… J’allais passer l’après-midi au mythique Winter Garden Theatre où, paraît-il, on peut encore trouver des poils de chat sous les sièges (pour ceux qui ne comprennent pas ma référence pas trop évidente : Cats y a tenu l’affiche pendant 18 ans). En choisissant School of Rock, je voulais rire et j’ai été servi. Par contre, je n’avais aucune idée qu’entre mes multiples éclats de rire, j’allais aussi être ému.

Avec School of Rock, les comparaisons avec Matilda the Musical (que j’ai ADORÉ!) sont multiples : un grand nombre d’enfants surdoués tiennent des rôles importants, l’histoire se déroule dans une école, la pièce est une adaptation d’un film populaire, etc, etc. Le fait que School of Rock ouvre ses portes trois années après Matilda ne l’avantage pas parce que toutes ressemblances peuvent être interprétées comme une « copie » de l’autre.

Ayant écouté la trame sonore de School of Rock et ayant vu plusieurs extraits vidéo de l’œuvre, je m’attendais à passer un très bon moment, sans plus. À mes yeux, la barre mise très haute par Matilda n’allait pas être atteinte, et j’ai le plaisir de vous annoncer que je me trompais!

Ma première description à ma blonde quand je l’ai rejointe à notre chambre d’hôtel après le spectacle a été : « School of Rock, c’est Matilda sur le Red Bull! »

Pour en terminer avec les comparaisons et finalement entrer dans le vif de ma critique : Matilda est une production beaucoup plus peaufinée dont la mise en scène Robert-Lepagesque est ingénieuse et éclatée, alors que l’histoire de School of Rock est beaucoup plus percutante et sentie. Je suis sortie du théâtre le sourire fendu jusqu’aux oreilles avec l’impression d’avoir reçu en pleine face une gigantesque dose de bonheur et de riffs de guitare endiablés!

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D’abord, School of Rock raconte l’histoire de Dewey Finn, un rocker bedonnant et raté dont le colocataire, Ned, est un ami d’enfance et enseignant au primaire. Un bon matin, le téléphone sonne et c’est la directrice de la très réputée Horace Green School qui cherche un remplaçant pour une enseignante absente. Dewey, qui croule sous les dettes, décide de se faire passer pour Ned et de remplacer dans cette classe de 5e année. Pensant surveiller une bande de morveux hautains, Dewey découvre éventuellement qu’ils sont doués en musique. Il décide donc de leur enseigner le rock et de les inscrire au Battle of the Band pour tenter de détrôner son ancien groupe qui l’a récemment congédié. S’en suivent des jams forts en décibels, des quiproquos amusants et un début d’histoire d’amour entre Dewey et la directrice de l’école. Ajoutez à cela les préoccupations des jeunes qui sont délaissés par leurs parents riches et absents ainsi qu’une élève gênée qui trouve sa voie (et sa voix!) et vous avez une œuvre surprenante, touchante et amusante.

Le point le plus fort? Les jeunes qui jouent RÉELLEMENT de la musique rock. À travers les années sur Broadway, on a vu des jeunes acteurs chanter, danser et acter avec brio. Par contre, la dizaine d’enfants dans School of Rock ont une quatrième corde à leur arc : ce sont des virtuoses! La petite Katie, haute comme trois pommes, troque son violoncelle pour une basse électrique et excelle autant dans le Bach que dans le hard rock. Le petit Zack performe des solos de guitare électrique qui pourraient rendre jaloux Eddie Van Halen. Chacun des petits virtuoses chante très bien, interprète son personnage avec justesse et maîtrise son instrument comme un adulte ayant 10 ans de Conservatoire derrière la cravate. Et croyez-moi, les jeunes jouent pour vrai et il n’y a aucune bande préenregistrée. Même Sir Andrew Lloyd Webber, qui signe la musique, l’explique au public avant la levée du rideau.

Parlant du compositeur anglais à qui l’on doit Cats, Evita et The Phantom of the Opera, sa trame sonore pour School of Rock est définitivement l’une de ses meilleures! Webber a d’abord fait sa marque en signant la musique rock de Jesus Christ Superstar et après plusieurs essais (souvent infructueux) en musique classique, il est revenu aux sources avec des chansons accrocheuses aux influences britanniques qui vont de Deep Purple à Black Sabbath en passant par Led Zeppelin et The Rolling Stones. Ajoutez à cela les quelques chansons composées par Jack Black pour le film et vous avez une trame sonore qui pourrait très bien accompagner une balade en décapotable un soir d’été. Bref, après des décennies de grands succès, suivi par des décennies de flops, il est plaisant de voir Andrew Lloyd Webber renouer avec le succès en retournant à ses racines : le rock ‘n’ roll!

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Du côté des autres performances, l’excellente Sierra Boggess, qu’on est habitué de voir dans des rôles dramatiques et classiques (The Phantom of the Opera, Love Never Dies, Les Misérables), sort de sa zone de confort en interprétant avec justesse la directrice pincée et névrosée d’Horace Green School. Pour ce qui est du rôle de Dewey, il n’y a pas de doute que le nouveau venu Alex Brightman a une réelle chance de remporter le Tony Award du meilleur acteur! À la représentation que j’ai vue, c’était sa doublure Jonathan Wagner qui tenait le rôle et ce dernier a offert une performance impeccable. Le rôle nécessite un large éventail de compétences, d’une voix rock au registre interminable à un timing comique parfait, en passant par un jeu de guitare complexe et une justesse dramatique hors pair. Autant Brightman (selon les critiques unanimes) que Wagner possèdent l’ensemble de ces compétences, leur permettant d’être le pilier central de cette mégaproduction qu’est School of Rock.

Pour le reste, les dialogues de Julian Fellowes (l’homme derrière la série Downtown Abbey) sont précis et punchés alors que la mise en scène de Laurence Connor est efficace, sans plus. C’est plutôt la scénographie d’Anna Louizos qui se démarque, alors que les transitions scéniques entre les multiples lieux se font subtilement, sans casser le rythme de l’histoire. J’ai eu un gros coup de cœur pour la plateforme rotative qui fait office de scène lors du Battle of the Band, où l’action se déroule autant devant que derrière le rideau.

Est-ce que School of Rock est une production qui passera à l’histoire? Probablement pas. Est-ce qu’on mentionnera l’œuvre dans les palmarès des plus grandes comédies musicales de Broadway? Clairement pas. Est-ce que je vous recommande School of Rock? Définitivement, OUI!

Parfois on va au théâtre pour réfléchir, parfois on y va pour être touché et parfois on y va pour être choqué… Par contre, parfois on veut simplement passer un bon moment en étant diverti. C’est exactement ce à quoi sert School of Rock! Vous rirez aux éclats, vous serez impressionné par les performances et au passage, vous serez ému. Quoi demander de mieux?

Mes prédictions : Tony Awards 2016

Le 12 juin prochain, c’est la grande messe du théâtre new-yorkais : les Tony Awards! Ce gala clôt la saison théâtrale 2015-2016 en remettant 24 prix d’importance. Avant d’aller plus loin, je vous propose un petit aperçu de la saison avec mon survol des pièces majeures et ma rétrospective des multiples remises de prix à New York.

Depuis que je m’intéresse aux comédies musicales et à Broadway, je m’amuse à faire mes prédictions, comme on le fait avant les séries éliminatoires au football ou au hockey! Alors qu’habituellement 50% de mes prédictions se confirment, l’an dernier je me suis surpris moi-même en donnant ma meilleure performance à vie : 19 prédictions gagnantes sur 24!

Mes prédictions
Habituellement, les précédents galas sont de bons indicateurs pour les Tony Awards. Les productions qui remportent des prix aux Outer Critics Circle Awards et aux Drama Desk Awards sont souvent récompensés lors des Tony Awards. Cette année, il est plus difficile de suivre cette tendance parce que la nouvelle comédie musicale Hamilton, qui a fracassé le précédent record en obtenant pas moins de 16 nominations aux Tonys, n’était pas éligible aux autres galas. En effet, puisque la pièce jouait dans un théâtre de catégorie Off-Broadway lors de la saison théâtrale 2014-2015, elle a été récompensée l’année dernière (il n’y a que les Tony Awards qui récompensent uniquement les productions de catégorie Broadway). C’est donc un défi supplémentaire qui attend les freaks comme moi qui font des prédictions!

*MISE À JOUR (13 juin) : James Corden a frappé fort avec son numéro d’ouverture, les nouvelles comédies musicales ont toutes données une excellente et sans surprise, Hamilton repart avec 11 trophées! Une autre belle soirée des Tonys. Avec 18 prédictions réussies sur 24, je suis un point derrière ma performance de l’an dernier!
(Ci-dessous : les gagnants se méritent une ★)

➨ = Prédiction

Meilleure pièce de théâtre
Eclipsed
The Father
The Humans
King Charles III

Meilleure comédie musicale
Bright Star
Hamilton
School of Rock
Shuffle Along
Waitress

Meilleure reprise d’une pièce de théâtre
The Crucible
A View from the Bridge
Blackbird
Long Day’s Journey Into Night
Noises Off

Meilleure reprise d’une comédie musicale
The Color Purple
Fiddler on the Roof
She Loves Me
Spring Awakening

Meilleur livret d’une comédie musicale
Bright Star (Steve Martin)
Hamilton (Lin-Manuel Miranda)
School of Rock (Julian Fellowes)
Shuffle Along (George C. Wolfe)

Meilleure musique d’une comédie musicale
Bright Star (Steve Martin et Edie Brickell)
Hamilton (Lin-Manuel Miranda)
School of Rock (Andrew Lloyd Webber et Glenn Slater)
Waitress (Sara Bareilles)

Meilleur acteur dans une pièce de théâtre
Gabriel Byrne (Long Day’s Journey Into Night)
Jeff Daniels (Blackbird)
➨Frank Langella (The Father)
Tim Pigott-Smith (King Charles III)
Mark Strong (A View From the Bridge)

Meilleure actrice dans une pièce de théâtre
➨Jessica Lange (Long Day’s Journey Into Night)
Laurie Metcalf (Misery)
Lupita Nyong’o (Eclipsed)
Sophie Okonedo (The Crucible)
Michelle Williams (Blackbird)

Meilleur acteur dans une comédie musicale
Alex Brightman (School of Rock)
➨Danny Burnstein (Fiddler on the Roof)
Zachary Levi (She Loves Me)
Lin-Manuel Miranda (Hamilton)
Leslie Odom, Jr. (Hamilton)

Meilleure actrice dans une comédie musicale
Laura Benanti (She Loves Me)
Carmen Cusack (Bright Star)
➨Cynthia Erivo (The Color Purple)
Jessie Mueller (Waitress)
Phillipa Soo (Hamilton)

Meilleur acteur de soutien dans une pièce de théâtre
➨Reed Birney (The Humans)
Bill Camp (The Crucible)
David Furr (Noises Off)
Richard Goulding (King Charles III)
Michael Shannon (Long Day’s Journey Into Night)

Meilleure actrice de soutien dans une pièce de théâtre
Pascale Armand (Eclipsed)
Megan Hilty (Noises Off)
➨Jayne Houdyshell (The Humans)
Andrea Martin (Noises Off)
Saycon Sengbloh (Eclipsed)

Meilleur acteur de soutien dans une comédie musicale
➨Daveed Diggs (Hamilton)
Brandon Victor Dixon (Shuffle Along)
Christopher Fitzgerald (Waitress)
Jonathan Groff (Hamilton)
Christopher Jackson (Hamilton)

Meilleure actrice de soutien dans une comédie musicale
Danielle Brooks (The Color Purple)
➨Renée Elise Goldsberry (Hamilton)
Jane Krakowski (She Loves me)
Jennifer Simard (Disaster!)
Adrienne Warren (Shuffle Along)

Meilleurs décors dans une pièce de théâtre
Beowulf Boritt (Thérèse Raquin)
Christopher Oram (Hughie)
Jan Versweyveld (A View from the Bridge)
➨David Zinn (The Humans)

Meilleurs décors dans une comédie musicale
Es Devlin & Finn Ross (American Psycho)
David Korins (Hamilton)
Santo Loquasto (Shuffle Along)
➨David Rockwell (She Loves Me)

Meilleurs costumes dans une pièce de théâtre
Jane Greenwood (Long Day’s Journey Into Night)
Michael Krass (Noises Off)
➨Clint Ramos (Eclipsed)
Tom Scutt (King Charles III)

Meilleurs costumes dans une comédie musicale
Gregg Barnes (Tuck Everlasting)
➨Jeff Mahshie (She Loves Me)
Ann Roth (Shuffle Along)
Paul Tazewell (Hamilton)

Meilleurs éclairages dans une pièce de théâtre
Natasha Katz (Long Day’s Journey Into Night)
Justin Towsend (The Humans)
➨Jan Versweyveld (The Crucible)
Jan Versweyveld (A View from the Bridge)

Meilleurs éclairages dans une comédie musicale
Howell Binkley (Hamilton)
Jules Fisher & Peggy Eisenhauer (Shuffle Along)
Ben Stanton (Spring Awakening)
➨Justin Towsend (American Psycho)

Meilleure mise en scène dans une pièce de théâtre
Rupert Goold (King Charles III)
Jonathan Kent (Long Day’s Journey Into Night)
Joe Mantello (The Humans)
Liesl Tommy (Eclipsed)
➨Ivo Van Hove (A View from the Bridge)

Meilleure mise en scène dans une comédie musicale
Michael Arden (Spring Awakening)
John Doyle (The Color Purple)
Scott Ellis (She Loves Me)
➨Thomas Kail (Hamilton)
George C. Wolfe (Shuffle Along)

Meilleures chorégraphies
➨Andy Blankenbuehler (Hamilton)
Savion Glover (Shuffle Along)
Hofesh Shechter (Fiddler on the Roof)
Randy Skinner (Dames at Sea)
Sergio Trujillo (On Your Feet!)

Meilleures orchestrations
August Eriksmoen (Bright Star)
Larry Hochman (She Loves Me)
➨Alex Lacamoire (Hamilton)
Daryl Waters (Shuffle Along)

Tony-Awards

Les plus grandes voix de Broadway (volet masculin)

Après mon article sur les plus grandes voix féminines de Broadway, je me tourne du côté des hommes! Sans aucun critère précis ou ordre scientifique, voici quelques-unes des plus grandes voix masculines de l’histoire des comédies musicales de Broadway.

Jerry Orbach
Jerry Orbach représente l’image qu’on a de l’acteur de Broadway classique du dernier siècle : une voix puissante, un jeu raffiné et une prestance indéniable. Dans les années 60 et 70, il a prêté sa riche voix de baryton à des personnages mythiques : Billy Flynn dans Chicago, Chuck dans Promises, Promises, Sky dans Guys and Dolls et Julian dans 42nd Street. À l’écran, l’acteur new-yorkais s’est illustré dans les films Dirty Dancing et La Belle et la Bête, le studio Disney s’étant tourné vers lui pour interpréter le personnage de Lumière. En 2007, Orbach est devenu immortel en voyant un théâtre de Times Square être rebaptisé en son honneur. Le Jerry Orbach Theatre abrite la production de la comédie musicale The Fantasticks, qui tient l’affiche en continu depuis 1960 et dans laquelle l’acteur avait fait ses débuts.

Mandy Patinkin
Avant de faire sa marque à l’écran dans le film The Princess Bride et la série Homeland, Mandy Patinkin a conquis les amateurs de Broadway avec son jeu précis et surtout, sa voix exceptionnelle. Ce ténor au registre interminable excelle autant dans la pop que dans le classique, ayant marqué les esprits avec ses rôles de Che Guevara dans Evita et George dans Sunday in the Park with George. Malgré sa carrière hollywoodienne depuis la fin des années 80, Patinkin ne se tient jamais bien loin de Broadway, ayant tenu l’affiche de plusieurs spectacles musicaux en solo où il revisite des standards jazz et des classiques de comédies musicales.

Colm Wilkinson
Pour bien des gens, Colm Wilkinson est un deuxième nom pour Jean Valjean. Il est vrai que l’acteur irlandais a fait sa marque dans Les Misérables, d’abord dans les deux premières productions anglaises (Londres et Broadway), puis dans les concerts du 10e et 25e anniversaire et finalement, dans le film de 2012 (sous les traites de l’Évèque de Digne). Au-delà de Les Miz, l’acteur à la voix ténor tantôt extrêmement puissante, tantôt des plus douces, a notamment joué Judas dans Jesus Christ Superstar, Che dans Evita et le rôle-titre dans The Phantom of the Opera, qu’il d’abord créé dans les premières lectures de l’œuvre, pour ensuite reprendre le masque dans la production torontoise en 1989. Avec sa voix exceptionnelle, Wilkinson a donné de multiples séries de concerts en solo, représentant même l’Irlande lors du célèbre concours Eurovision en 1978.

Brian Stokes Mitchell
À mi-chemin entre une voix basse d’opéra et une voix baryton de théâtre musical, Brian Stokes Mitchell connaît un immense succès sur Broadway depuis la fin des années 80. D’abord associé aux œuvres mythiques des frères Gershwin et de Cole Porter comme Oh, Kay!, Jelly’s Last Jam et Kiss Me, Kate, il a ensuite enchaîné les rôles principaux dans des œuvres contemporaines comme Kiss of the Spider Woman, Ragtime, Man of La Mancha et Sweeney Todd. Avec une voix aussi puissante et riche, il n’est pas surprenant que Mitchell ait parcouru les quatre coins du monde pour donner des spectacles à la fois jazz et classiques!

Adam Pascal
Jusqu’à maintenant, ce palmarès inclut des chanteurs à la technique impeccable qui excellent autant dans le classique que dans le jazz. Avec Adam Pascal, c’est tout le contraire! Le chanteur cadrerait beaucoup plus dans un groupe rock des années 80 que sur la scène d’un théâtre de Broadway. Pourtant, depuis ses débuts sur Broadway en 1996, Pascal est l’un des artistes de théâtre musical les plus en demande. Avec sa voix rauque au registre interminable, le chanteur est entré dans l’histoire de Broadway par la grande porte lorsqu’il a créé le rôle de Roger dans l’opéra rock Rent. Fort de ce succès, il a ensuite enchaîné les rôles majeurs dans Cabaret, Aida, Memphis, Chicago et Chess. Comme auteur, il travaille depuis quelques années sur l’adaptation théâtrale de l’album « Operation: Mindcrime » du groupe métal Queensrÿche.

Michael Cerveris
En anglais on dit « versatility », en français on dit « polyvalence » et sur Broadway, on dit « Michael Cerveris ». L’acteur louisianais s’est d’abord imposé comme un ténor à la voix rock lorsqu’il a tenu les rôles-titres dans The Who’s Tommy et Hedwig and the Angry Inch. Par la suite, il a fait découvrir sa riche voix de baryton au public dans des œuvres plus classiques comme Titanic, Assassins, Passion, Sweeney Todd, Evita et Fun Home. Ajoutez à son CV les multiples pièces de théâtre dans lesquelles il a joué et vous avez un acteur des plus complet. Cerveris ne cesse d’enchaîner les rôles variés, se réinventant à chaque nouvelle production dans laquelle il prend part. Parallèlement à sa carrière sur les planches, Cerveris est également le chanteur et guitariste du groupe folk-bluegrass Loose Cattle.

Aaron Tveit
Si le 20e siècle était dominé par des rôles masculins écrits pour des chanteurs barytons à la voix riche, le 21e siècle en comédie musicale est jusqu’à maintenant dominé par des ténors comme Aaron Tveit. Après avoir joué les jeunes premiers dans Hairspray et Wicked, le chanteur a fait sa marque en créant le rôle de Gabe dans Next to Normal. Les rôles majeurs mettant en évidence sa voix exceptionnelle se sont suivis, de l’adaptation théâtrale du film Catch me if you Can au controversé rôle de John Wilkes Booth dans Assassins, en passant par le film Les Misérables et la récente production télévisuelle de Grease par le réseau Fox. Partout où il passe, Tveit charme les foules et impressionne par la qualité de sa voix, laissant présager une grande carrière dans les décennies à venir.

La saison des galas à New York

Tout comme pour le cinéma hollywoodien, le théâtre new-yorkais bénéficie d’un grand prestige et une multitude de galas ont lieu. À chaque année entre avril et juin, c’est la saison des remises de prix (Awards season) et six galas majeurs se tiennent un peu partout à Manhattan. Bien sûr, tout comme Hollywood avec les Oscars, c’est la cérémonie des Tony Awards qui clôt la saison théâtrale annuelle. Il est important de mentionner que les six galas présentés récompensent des productions qui se tiennent dans la ville de New York seulement. Les autres métropoles où le théâtre a une forte popularité comme Londres, Los Angeles et Toronto ont leur propre remise de prix. Je vous promets un éventuel article sur le sujet!

*Avant de commencer, il faut savoir que ces galas honorent les différentes catégories de productions théâtrales, soit Broadway et Off-Broadway. Pour assurer votre bonne compréhension, je vous recommande la lecture de mon article Broadway et Off-Broadway : quelle est la différence?.

LUCILLE LORTEL AWARDS
Le nom Lucille Lortel vous dit quelque chose? Si vous capotez sur la série F.R.I.E.N.D.S. comme moi, c’est parce que Joey joue au Lucille Lortel Theatre dans Freud! The Musical. Nommés en l’honneur de la prolifique productrice dont on dénombre plus de 500 pièces de théâtre à son curriculum vitae, les prix récompensent uniquement les productions de catégorie Off-Broadway. Le jury qui vote regroupe une multitude d’artisans et journalistes de tous les horizons : membres de la Off-Broadway League, l’Actors’ Equity (équivalent de l’Union des Artistes au Québec), la Stage Directors & Choreographers Society, la Lucille Lortel Foundation, etc. Étant les seuls prix qui ne mettent en compétition que les productions Off-Broadway, les Lucille Lortel Awards jouissent d’un grand prestige dans le milieu du théâtre professionnel de petite et moyenne envergure.
*Édition 2019 : nominations (3 avril), gagnants (5 mai), animateur (Wayne Brady)

OBIE AWARDS
Depuis 1956, l’hebdomadaire new-yorkais The Village Voice remet les Obie Awards aux artisans œuvrant dans les productions de catégories Off-Broadway et Off-Off-Broadway. Parmi tous les prix présentés, les Obie Awards sont probablement les moins conventionnels. D’abord, parce qu’il n’y a pas de nominations annoncées et ensuite, parce qu’il y a plusieurs gagnants par catégorie. Par exemple, pour les prix remis aux acteurs, le jury nomme plusieurs personnes qui sont toutes gagnantes d’un trophée, peu importe leur sexe ou l’ampleur de leur rôle! À l’exception des prix Lifetime Achievement et Best New American Play, il n’y a pas de catégories fixes qui reviennent chaque année. Dépendamment des productions qui ont marqué la saison, le jury décide des catégories. Les Obie Awards sont à l’image du théâtre de catégorie Off-Broadway : non conventionnels, éclatés et surprenants. C’est probablement la raison pourquoi ce petit gala est autant apprécié et reconnu par les artisans de la Grosse Pomme.
*Édition 2019 : gagnants (20 mai), animatrice (Rachel Bloom)

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DRAMA LEAGUE AWARDS
Remis pour la première fois en 1935, les Drama League Awards, qui célèbrent autant les productions de catégories Broadway et Off-Broadway, sont la plus vieille remise de prix du théâtre américain. C’est également le seul gala majeur dont les trophées sont remis par les spectateurs. Le prestige des Drama League Awards se trouve principalement dans la catégorie des performances d’acteurs. Plutôt que de séparer les hommes des femmes, les pièces de théâtre des comédies musicales ainsi que les rôles principaux des rôles secondaires, le jury mélange tout ce beau monde ensemble pour annoncer une liste de 50 nominés. Par la suite, une seule de ces personnes remportera le convoité Drama League for Distinguished Performance. C’est donc dire que l’actrice de soutien méconnue dans une petite production Off-Broadway peut se retrouver en compétition contre l’acteur réputé qui tient un rôle principal dans une grande production de Broadway. Pour les fanatiques comme moi, les Drama League Awards sont habituellement un bon indicateur pour les Tony Awards, puisqu’il est fort à parier que l’acteur qui se démarque dans la catégorie des performances gagnera habituellement le Tony dans sa catégorie respective.
*Édition 2019 : nominations (17 avril), gagnants (18 mai), animateurs (Ann Reinking & Ben Vereen)

OUTER CRITICS CIRCLE AWARDS
À mes yeux, cette remise de prix est la plus inutile de ce palmarès… Bien que tout interprète est probablement aux anges de remporter un Outer Critics Circle Award, cette remise de prix n’est à mes yeux qu’une copie des Drama Desk Awards. Mis à part les membres du jury, il n’y a aucune différence dans les types de productions récompensées et les différentes catégories. Si vous maîtrisez la langue de Shakespeare, vous comprenez que « Outer Critics » veut dire que les membres du jury sont des journalistes et critiques de théâtre qui n’œuvrent pas à New York. Les gagnants sont habituellement annoncés quelques semaines après la cérémonie officielle qui a lieu au réputé restaurant Sardi’s, qui a fait l’objet d’un article sur BroadwayVez.
*Édition 2019 : nominations (23 avril), gagnants (13 mai)

DRAMA DESK AWARDS
Si on parle souvent des Tony Awards comme des « Oscars de Broadway », on pourrait alors comparer les Drama Desk aux Golden Globes : c’est la 2e remise de prix la plus prestigieuse et l’étendue des prix est plus large (les Drama Desk récompensent également les productions Off-Broadway et Off-Off-Broadway, alors que les Golden Globes récompensent aussi la télévision). Le gala tenu habituellement au New York’s Town Hall a lieu annuellement depuis 1955. The Drama Desk Organization, organisme sans but lucratif, est l’autorité qui remet les multiples prix. Le jury est composé d’environ 140 critiques de théâtre, journalistes et éditeurs qui s’impliquent sur une base volontaire et qui se rencontrent deux fois par mois pour discuter des productions éligibles. Il est à noter que l’organisation des Drama Desk Awards se réclame comme étant le seul gala où l’ensemble du jury n’a aucun intérêt personnel dans les résultats, contrairement aux autres galas où plusieurs artisans font partie du jury.
*Édition 2019 : nominations (25 avril), gagnants (2 juin), animateur (Michael Urie)

TONY AWARDS
Les Tony Awards sont à Broadway ce que les Oscars sont à Hollywood! Fondés par l’organisme American Theatre Wing et supervisés par The Broadway League, les Tony Awards récompensent autant les pièces de théâtre que les comédies musicales, mais celles-ci ne compétitionnent pas dans les mêmes catégories. Seules les productions qui jouent dans les théâtres de catégorie Broadway sont éligibles à ce gala. Le nom « Tony » a été donné en l’honneur de l’actrice et productrice Antoinette Perry. De loin le gala le plus prestigieux du théâtre américain, la cérémonie a habituellement lieu au gigantesque Radio City Musical Hall. Au fil des années, de grandes célébrités ont animé la soirée, dont Hugh Jackman, Whoopi Goldberg, Neil Patrick Harris, Matthew Broderick, Rosie O’Donnell, Anthony Hopkins et Julie Andrews. Le numéro d’ouverture est toujours un moment fort, comme en témoigne la vidéo ci-dessous tirée de l’édition 2013.
*Édition 2019 : nominations (30 avril), gagnants (9 juin), animateur (James Corden)

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