En 2013, j’avais écrit une critique de la tournée nationale de la comédie musicale The Book of Mormon pour un autre blogue. Comme c’est de circonstance, la voici :
Hier après-midi, j’ai eu l’extrême chance de voir la comédie musicale The Book of Mormon. Après des essais infructueux l’automne dernier à New York, nous nous sommes pris d’avance et avons acheté des billets pour la tournée nationale qui est de passage à Toronto jusqu’au 9 juin. Neuf heures de voiture plus tard, nous étions dans le magnifique Princess of Wales Theatre, fébriles à l’idée d’enfin assister au plus gros succès médiatique et financier de Broadway depuis The Phantom of the Opera en 1988.
Pour ceux qui sont moins familiers avec le spectacle, The Book of Mormon est une nouvelle comédie musicale écrite par Trey Parker, Matt Stone (les deux génies derrière South Park) et Robert Lopez (compositeur d’Avenue Q). Loin de La Mélodie du Bonheur, le spectacle met en scène l’Église mormone, se moquant beaucoup plus du concept de « religion » que des mormons directement. L’histoire suit deux mormons dépareillés qui sont envoyés en mission pour convertir les habitants d’un petit village d’Ouganda ravagé par le sida.
Dès la levée du rideau, on reconnaît la plume vulgaire, irrévérencieuse et intelligente des auteurs de South Park. Ce n’est pas une surprise, le f-word est utilisé à outrance et les punch lines s’enchaînent à une vitesse folle.
Là où la surprise est immense, c’est dans la composition des chansons et dans les seconds degrés intelligents et revendicateurs! Les gars de South Park ont l’habitude de faire de l’humour intelligent, mais avec le médium de comédie musicale, c’est une infinité de nouvelles possibilités pour le duo. De plus, Stone et Parker composent magnifiquement bien! Les chansons sont accrocheuses, complexes et rendues de manière impeccable par une distribution hallucinante.
En effet, le spectacle a tellement de succès (avec déjà cinq productions majeures en branle simultanément) que tout le milieu artistique veut y participer. L’acteur qui interprète Elder Price, le mormon parfait, nous vient directement de Londres, où il est une vedette du West End. La voix de Mark Evans est impeccable et son jeu, autant comique que dramatique, est parfait. Samantha Marie Ware, dans le rôle de Nabulungi (ou Jon Bon Jovi !), a la lourde tâche d’avoir le premier moment « triste » du spectacle. Après quarante-cinq minutes de folies et de blagues à faire tordre de rire, Ware chante la ballade « Sal Tlay Ka Siti » qui démontre toute la souffrance des Africains. Ne vous en faites pas, après que les spectateurs aient essuyé les petites larmes aux coins de leurs yeux, Christopher John O’Neill prend le plancher et porte le spectacle sur ses épaules jusqu’à la toute fin. Son personnage, Elder Cunningham, est un jeune geek qui a préféré écouter Star Wars plutôt que de lire sa bible. Celui qui est la risée de sa famille (et de l’Église mormone) est d’abord l’assistant empoté d’Elder Price. Quand ce dernier abandonne, n’étant pas capable de convertir les Ougandais, c’est Arnold Cunningham qui, à l’aide de récits inventés mettant en vedette Yoda, Darth Vader et Gollum, prend le relais et converti la tribu africaine au grand complet! Les autres performances dignes de mention sont celles de Kevin Mambo qui chante l’hymne « Hasa Diga Ebowaii (Fuck You God) », et celle de Grey Henson dans le rôle d’Elder McKinley, le mormon homosexuel à qui l’on apprend à refouler ses pulsions dans un numéro de claquettes à couper le souffle!
Ce qui est particulier de cette production en tournée, c’est la complexité de la technique et l’ampleur du décor et des éclairages. Habituellement, les productions de tournée nationale sont lancées pour faire voyager la production de Broadway, mais dans un format portatif qui se déplace facilement d’une ville à une autre. Dans le cas présent, la tournée est imposante et s’installe pour de longues périodes dans les villes de l’itinéraire. L’équipe technique a donc le temps d’installer les décors comme s’ils étaient sur Broadway (et même poser des micros sous le plancher pour le numéro de claquettes). Il en résulte une production identique (à ce qu’on m’a dit) à celle qui charme les foules sur Broadway depuis 2011.
Véritable feu roulant, The Book of Mormon est un spectacle à voir absolument. La mise en scène de Casey Nicholaw et Trey Parker, est simple, intelligente et rend hommage (ou se moque) à plusieurs spectacles de Broadway (mentionnons Wicked, The Lion King et La Mélodie du Bonheur).
Le spectacle défile à une vitesse folle, s’arrêtant seulement lorsque le rideau se ferme. Les plus âgés seront peut-être choqués, mais bon, ils ne sont pas le public cible!
Est-ce que The Book of Mormon est à la hauteur des critiques unanimes que la presse new-yorkaise lui a réservées? Sans aucun doute!
Est-ce que The Book of Mormon est la plus grande comédie musicale des vingt-cinq dernières années? Non. C’est un EXCELLENT spectacle, mais le buzz entourant le spectacle est difficile à expliquer. Certains billets se vendent à plus de 1 000 $ sur Broadway!
Bref, si vous avez l’occasion de voir le spectacle, ne la manquez pas! Sinon, attendez le film! Parker et Stone ont déjà prévu un long-métrage, mais selon leurs dires, « seulement quand la production de Broadway sera en pente descendante »… Si l’on se fit au succès et aux ventes qui continuent de grimper après plus de deux ans à l’affiche, Parker et Stone ne seront peut-être plus vivants lorsque le moment de faire le film sera venu!