CRITIQUE : The Last Five Years au grand écran

En 2013, le réalisateur-scénariste américain Richard La Gravenese à qui l’on doit notamment les films P.S. I Love You et The Fisher King a décidé d’adapter la comédie musicale The Last Five Years au grand écran. Le film indépendant a été tourné à New York avec en tête d’affiche Anna Kendrick (Up in the AirPitch Perfect) et Jeremy Jordan (Newsies sur Broadway).

L’adaptation cinématographique de la comédie musicale intimiste était un choix audacieux pour plusieurs raisons. D’abord, parce que la pièce n’a jamais joué sur de grandes scènes comme Broadway ou Londres. Ensuite, parce que l’histoire en apparence cute est tout sauf simple! Finalement, parce que La Gravenese a confié le rôle principal masculin à un acteur de Broadway complètement inconnu du grand public. Ces trois raisons expliquent probablement pourquoi le film a été un flop financier, avec ses 150 000$ au box-office pour un budget dépassant les 2 millions… Par contre, ces trois mêmes raisons expliquent pourquoi je considère que The Last Five Years est un film audacieux qui se démarque des autres adaptations cinématographiques de comédies musicales.

The Last Five Years raconte la relation amoureuse entre Cathy et Jamie, de leur première rencontre jusqu’à leur rupture, cinq ans plus tard. « Mais pourquoi nous dis-tu le punch final? », que vous me demandez de manière agressive! « Parce qu’on l’apprend dès la première scène », que je vous réponds! En effet, là est la particularité qui différencie The Last Five Years des autres films romantiques : Jamie nous raconte l’histoire de A à Z, alors que Cathy nous la raconte de Z à A. Les deux personnages ne se croisent qu’une seule fois dans leur récit : à leur mariage. Le film (et la comédie musicale) est donc une série de tableaux qui mettent en scène le couple, mais où s’alternent les deux personnages en tant que narrateurs de l’histoire.

La pièce a été écrite et composée par Jason Robert Brown et a vu le jour en 2001 à Chicago. La production dont tout le monde se rappelle est celle ayant joué Off-Broadway en 2002 et qui mettait en vedette Norbert Leo Butz (Wicked, Catch Me If You Can) et Sherie Renée Scott (Aida, The Little Mermaid). Même si cette version n’a joué que pendant deux mois, The Last Five Years a remporté plusieurs prix et la trame sonore a connu un très bon succès.

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Butz et Scott dans la production de 2002

Revenons au film! Je dois dire que The Last Five Years a des moments très forts, ainsi que des moments plutôt faibles. Dans les points positifs, mentionnons la réalisation de La Gravenese qui est rafraîchissante, recherchée et qui met de l’avant la magnifique ville de New York et une foule d’endroits romantiques et méconnus. La musique est bien sûr excellente et le « lipsynch » des acteurs qui avaient préalablement enregistré les chansons en studio ne paraît quasiment pas, contrairement à certains autres films du genre. Mes moments coups de coeur sont les chansons « Climbing Uphill » et « If I Didn’t Believe in You » ainsi que la scène finale.

Parmi les points négatifs, on note certaines chansons plus faibles qui dérangent le rythme du film. C’est le cas de « The Schmuel Song » dont on ne comprend pas trop l’importance dans l’histoire ainsi que « Moving Too Fast » où Jamie marche dans la ville et les passants se mettent à danser l’instant de quelques secondes. Il n’y a aucune chorégraphie (ni rien qui s’y rapproche) ailleurs dans le film, sauf ce drôle de moment qui nous rappelle de pénibles souvenirs du film Mamma Mia!… Selon moi, le problème majeur du film The Last Five Years est l’absence de mise en contexte du concept d’histoire racontée de manière antichronologique par l’un des deux personnages. J’ai rapidement compris le concept parce que je connaissais déjà bien la comédie musicale, mais si je me mets dans les souliers d’un néophyte, l’idée est très difficile à cerner. Les transitions entre les scènes se font trop naturellement alors qu’en réalité, on fait des bonds de plusieurs années en avant et en arrière! La façon trop facile aurait été d’avoir un sous-titre qui mentionne la date au début de chaque scène, mais je suis certain qu’un procédé plus subtile et tout aussi efficace aurait pu être développé pour faciliter la compréhension.

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Côté interprétation, les deux acteurs principaux donnent une très bonne performance. Le jeu est juste et tout en subtilité. Jeremy Jordan est parfaitement crédible dans le rôle de l’égocentrique Jamie. Sa voix est extrêmement solide, si bien qu’à quelques moments, on remarque que c’est sa vraie voix sur le plateau de tournage qui a été conservée, plutôt que celle préenregistrée en studio. C’est là qu’on voit l’expérience de Jordan et ses nombreuses années à jouer 8 performances par semaine sur Broadway. Anna Kendrick, de son côté, rend très bien le rôle de Cathy. Vocalement, on sent un manque de solidité dans les aigus à quelques moments. Par contre, ça n’enlève en rien qu’elle a une très belle voix qu’elle a su mettre en évidence dans des chansons plus douces comme « Still Hurting » et « See I’m Smiling ».

J’ai adoré les petits caméos d’acteurs ayant participé à des productions antérieures de la pièce, dont Sherie Renée Scott qui joue une directrice de casting, Betsy Wolfe qui joue la coloc de Cathy et le compositeur Jason Robert Brown, qui joue un pianiste d’audition. C’est une manière originale de rendre hommage à ceux qui ont créé ces rôles, un peu comme lorsque Colm Wilkinson (le premier Valjean) avait joué l’Évèque dans le film Les Misérables.

Somme toute, The Last Five Years est un bon film que tout amateur de comédie musicale se doit de voir. J’ose espérer que ce long-métrage inspirera plusieurs réalisateurs à se tourner vers le marché des films indépendants pour adapter des comédies musicales intimistes. Quand j’entends les rumeurs de long-métrage de Spring Awakening ou de Next to Normal, je ne peux tout simplement pas m’imaginer une giga-production comme les adaptations d’Into the Woods ou Les Misérables. Les films indépendants peuvent se permettre d’avoir des acteurs spécialisés en comédie musicale qui conserveront l’essence de ces comédies musicales… À suivre!

cathy

2 commentaires

  1. Sandra · novembre 15, 2015

    Merci pour cette critique détaillée. Celà me donne vraiment envie de découvrir ce film!

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